II.
Voici donc comment il faut envisager la question : il est certain que l'incrédulité n'est pas toujours le résultat de la légèreté et dé la précipitation ; qu'elle peut se trouver dans une personne qui cherche sérieusement la vérité et qui désire la connaître ( et l'on peut dire qu'elle est fondée lorsqu'elle se refuse à croire des choses évidemment incroyables ; mais il n'est qu'un esprit faux qui puisse traiter de chimère ce qui n'est pas invraisemblable).. Je demande maintenant à ceux qui doutent de la résurrection, ou qui la nient, si leur doute ou leur incrédulité n'ont pas leur source dans les passions ou les préjugés, et si leur opinion ne se serait point formée sous l'impression des unes ou des autres ? Il faut qu'ils disent que l'homme ne doit son existence qu'au hasard (sur ce terrain il est facile de les battre ), ou bien s'ils reconnaissent une divinité d'où émanent tous les êtres, il leur faut remonter à ce premier principe, et prouver que, même en l'admettant, la résurrection est encore incroyable, impossible; dès lors il leur faudrait démontrer que le pouvoir ou la volonté manquent à ce Dieu pour ranimer nos corps, rassembler leurs membres épars, et recomposer les hommes tels qu'ils étaient autrefois. Mais comment pourraient-ils le prouver? S'ils ne le peuvent, qu'ils renoncent à leur incrédulité, elle serait alors une impiété, et qu'ils cessent de blasphémer ce qu'ils devraient respecter. Montrons qu'ils n'ont aucune raison pour dire que Dieu ne peut pas ressusciter les morts, ou qu'il ne le veut pas. L'impuissance de faire une chose vient de ce qu'on ne sait pas ce qu'on veut faire, où de ce qu'on manque de force pour mettre à exécution ce qu'on a conçu. Je conviens qu'il est impossible d'entreprendre et d'exécuter un ouvrage tant qu'on ignore ce qu'il faut faire ; je sais encore qu'il faut un certain degré de puissance proportionnée à ses lumières pour exécuter l'œuvre qu'on médite, et de la manière qu'on l'a conçue; sans cela, si l'on est sage et qu'on ne veuille rien entreprendre au-delà de ses forces, on se gardera bien de mettre la main à l'œuvre ; ou si l'on est assez téméraire pour tenter quelques efforts, ils serait vains et impuissants.
Mais peut-on dire que Dieu ignore la nature des corps qu'il doit rappeler à la vie ; des parties les plus grandes comme des plus petites ; qu'il perd dé vue une seule parcelle de ces corps tombés en dissolution, un seul des éléments auxquels s'est unie chaque parcelle après la dissolution du corps, quelque imperceptibles que soient à nos yeux ces atomes qui ont été se réunir aux parties du monde avec lesquelles ils avaient quelque affinité? N'est-il pas vrai que, même avant l'organisation des êtres divers, Dieu connaissait les principes qui devaient entrer dans leur composition, les parties de ces éléments qui lui semblaient les plus propres à être mises en œuvre? Il n'est pas moins certain que Dieu, après la décomposition de nos corps et la dispersion de leurs éléments dans toutes les parties du monde, sait où est allée chacune des parcelles qu'il avait employées à la création et à la formation complète de chacun de nous ; d'autant plus que, selon notre manière de parler et d'apprécier les choses, le plus difficile est de connaître d'avance ce qui n'est pas encore ; mais si vous parlez de Dieu, il est de sa grandeur comme de sa sagesse de connaître aussi facilement ce qui n'est pas encore que de savoir ce qu'est devenu ce qui avait été : les lumières ne manquent pas à Dieu, ce n'est pas non plus la puissance.
