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La dignité d'apôtre était grande et digne d'admiration; et partout nous voyons Paul en exposer l'origine comme celle d'un honneur qu'il ne s'arroge pas, mais qui lui est conféré et qui lui est imposé. Lorsqu'il dit qu'il est appelé, lorsqu'il dit qu'il est apôtre « par la volonté de Dieu » (I Cor. I, 1); et ailleurs « La nécessité m'en est imposée » (Ib. IX, 16) ; (274) lorsqu'il dit qu'il a été mis à part pour cet objet (Rom. I, 1) ; par toutes ces paroles, il rejette loin de lui la passion des honneurs et la vaine gloire. De même, en effet, que celui qui s'élève de lui-même à. un honneur qu'il ne reçoit pas de Dieu, est digne du blâme le plus sévère; de même celui qui écarte et fuit ce que Dieu lui présente, mérite un autre reproche, celui de désobéissance et de rébellion. C'est ce que dit Paul, au commencement de cette épître à Timothée : « Paul, apôtre de Jésus-Christ, suivant l'ordre de Dieu ». Il ne dit pas en ce passage, « appelé », mais « suivant l'ordre » ; il débute ainsi pour empêcher que Timothée, voyant qu'on lui parle sur le même ton qu'aux autres disciples, n'en soit blessé par une faiblesse trop ordinaire aux hommes. Et où Dieu a-t-il donné cet ordre On trouve, dans les Actes des apôtres, que l'Esprit dit : « Mettez-moi à part Paul et Barnabé ». (Act. XIII, 2.) Partout, dans ses épîtres, Paul prend le nom d'apôtre, apprenant ainsi à celui qui l'écoute à ne pas croire que ses paroles soient des paroles humaines ; car l'apôtre (l'envoyé) ne peut rien dire de lui-même, et le nom d'apôtre élève la pensée de l'auditeur jusqu'à Celui qui l'envoie. Aussi met-il ce titre en tête de ses épîtres, comme garant de la croyance que méritent ses paroles, et il s'exprime ainsi : « Paul, apôtre de Jésus-Christ, selon l'ordre de Dieu, notre Sauveur ». Et même on ne voit nulle part le Père donner cet ordre, mais partout c'est le Christ qui lui parle; c'est le Christ qui dit : « Marche, parce que je t'enverrai au loin parmi les nations » (Act. XXII, 21) ; et ailleurs : « Il faut que tu comparaisses devant César ». (Ib. XXVII, 24.) Mais tous les ordres que donne le Fils, il les appelle ordres du Père, comme il appelle ordres du Fils ceux de l'Esprit. C'est l'Esprit qui l'a envoyé, c'est l'Esprit qui l'a mis à part, et il emploie ces mots : L'ordre de Dieu. Quoi donc? La puissance du Fils est-elle restreinte, parce que son apôtre est envoyé par l'ordre du Père? Nullement; car voyez comment il montre que cette puissance leur est commune. Après ces mots : « Selon l'ordre de Dieu notre Sauveur » , il ajoute ceux-ci : « Le Christ Jésus, notre espérance». Voyez l'exacte propriété des termes qu'il emploie. Le Psalmiste appelle le Père « l'espérance de toutes les extrémités de la terre ». (Ps. LXIV, 6.) Et saint Paul à son tour, dans son épître: « Nous nous fatiguons et nous sommes en butte aux outrages, parce que nous avons espéré dans le Dieu vivant et véritable ».
Il fallait que le maître supportât des périls, et des périls bien plus nombreux que les disciples : « Je frapperai le pasteur, et les brebis seront dispersées ». (Matth. XXVI, 31.) Il est donc naturel que le démon se déchaîne avec plus de violence contre le pasteur, puisque la perte du pasteur cause la dispersion du troupeau. En faisant périr les brebis, il diminue le troupeau ; mais, en faisant disparaître le pasteur, il ruine le troupeau tout entier. Pouvant donc par là obtenir avec moins d'efforts un résultat plus grand et tout ruiner en perdant l'âme d'un seul, c'est aux pasteurs qu'il s'attaque surtout. Tout d'abord donc et dès le pré. ambule, Paul élève l'âme de Timothée, en lui disant : Nous avons un Sauveur, qui est Dieu, et une espérance, qui est le Christ. Nous souffrons beaucoup de maux, mais nous avons de grandes espérances; nous sommes exposés aux périls et aux embûches, mais nous avons un Sauveur, qui n'est pas un homme, mais Dieu. A notre Sauveur la force ne peut manquer, puisqu'il est Dieu; et, quelque grands que soient les périls, ils ne nous surmonteront pas; notre espérance ne sera point confondue, puisqu'elle vient du Christ. Ainsi nous sommes garantis des périls, ou par une prompte délivrance, ou par les nobles espérances dont nous sommes nourris. Car, est-il dit, tout ce que nous pouvons souffrir n'est rien, quand il ne s'agit que des souffrances de cette vie. Pour. quoi ne dit-il nulle part qu'il est l'envoyé du Père, mais du Christ? Parce qu'il leur attribue tout en commun; ainsi il dit que l'Evangile est de Dieu.
« A Timothée, mon vrai fils dans la foi ». Ici encore se trouve une exhortation. Car si Timothée a montré assez de foi pour être appelé fils et vrai fils de Paul, il sera plein de confiance pour l'avenir. La foi, en effet, est telle que, si les événements ne se montrent pas d'accord avec les promesses, elle ne se laisse ni abattre; ni troubler. Mais, dira-t-on, voici un fils, un vrai fils, qui n'est point de la même substance que son père. — Quoi donc? est-il d'une autre race ? — Mais, insiste-t-on, il n'était pas fils de Paul. — Ce mot n'indique pas une filiation proprement dite. Mais quoi? était-il d'une substance différente? Non, car (275) en disant: « Mon fils », il a ajouté : « dans la foi » ; ce qui indique une légitime filiation. Ils ne sont différents en rien : la ressemblance de la foi est entre eux ce qu'est entre les hommes la ressemblance de la nature. Un fils ressemble à son père, mais non aussi parfaitement que s'il s'agissait de la nature divine. Parmi les hommes, quoique la substance soit la même, bien des différences se produisent : le teint, les traits, l'intelligence , l'âge, les goûts, les qualités de l'âme et celles du corps, les circonstances extérieures , mille choses établissent entre un père et son fils des différences ou des ressemblances. Ici aucune de ces causes d'opposition n'existe.
« Par ordre » est une expression plus forte que le mot « appelé ». Quant au passage : « A Timothée, mon vrai fils », on peut le rapprocher de ce que Paul dit aux Corinthiens : « Je vous ai engendrés en Jésus-Christ » (I Cor. IV, 15), c'est-à-dire dans la foi. Il ajoute «Vrai fils », pour témoigner d'une ressemblance plus exacte de Timothée que des autres avec lui, de son affection pour lui, et des dispositions de son âme. Voici encore la préposition « dans » mise devant le mot foi. Voyez quel éloge contient ce langage, où il l'appelle, non-seulement son fils, mais son fils véritable.
