2.
« Grâce, miséricorde et paix », dit-il, « de la part de Dieu notre Père, et de Jésus-Christ Notre-Seigneur ». Pourquoi « miséricorde » dans la suscription de cette épître, et non dans les autres? Sa vive tendresse lui a dicté ce mot; pour son fils sa prière est plus étendue, parce qu'il craint et tremble pour lui. Sa sollicitude est telle qu'à lui et à lui seul il adresse des recommandations sur ses besoins matériels. « Usez d'un peu de vin à cause de votre estomac et de vos fréquentes maladies ». (I Tim. V, 23.) Or ceux qui enseignent ont plus que d'autres besoin de miséricorde. « De la part de Dieu notre Père, et de Jésus-Christ Notre-Seigneur ». Ici encore se trouve une exhortation. Car, si Dieu est notre Père, il prend soin de ses enfants ; écoutez en effet le Christ nous dire : « Quel est l'homme parmi vous qui, si son fils lui demande du pain, voudrait lui donner une pierre?» (Matth. VII, 9.)
« Ainsi que je vous ai prié de demeurer à Ephèse, à mon départ pour la Macédoine ». (I Tim. I, 3.) Ecoutez la douceur de cette parole; ce n'est point la voix d'un maître qui enseigne, c'est presque celle d'un suppliant. Il ne dit point : J'ai commandé, j'ai ordonné, j'ai prescrit, mais bien : « Je vous ai prié ». Ce n'est pas envers tous les disciples qu'il faut agir ainsi, mais bien envers ceux qui sont doux et vertueux; envers ceux au contraire qui sont corrompus, qui ne sont pas de véritables disciples, il faut lin autre langage, comme l'apôtre même le témoigne, quand il dit : « Réprimandez avec pleine autorité ». (Tit. II, 15.) Et ici même, voyez ce qu'il ajoute : « Afin de prescrire à certains homes (et non de les prier) de ne point enseigner une autre doctrine ». (I Tim. I, 3.) Que veut-il dire en parlant ainsi? L'épître que Paul avait adressée aux Ephésiens ne suffisait-elle pas? Non, car on méprise plus facilement un texte écrit; ou peut-être ce fait était-il antérieur à l'épître. L'apôtre a passé beaucoup de temps dans cette ville où était le temple de Diane, et où il a souffert cette persécution (Act. XIX, 23-40) que vous connaissez. Car après que la foule, réunie au théâtre, fut dispersée (Ib. 29, 31, 40), Paul fit venir ses disciples, les exhorta et partit (Act. XX, 1) ; et quelque temps après il se retrouva parmi eux. (Ib. 17.) Il est intéressant de rechercher si ce fut alors qu'il y établit Timothée, car il lui dit « de prescrire à certains hommes de ne point enseigner une autre doctrine ». Il ne les nomme pas, afin de ne pas les humilier trop par la publicité de ses reproches. II y avait là plusieurs d'entre les juifs, faux apôtres, qui voulaient ramener les fidèles à la loi, ce que Paul attaque partout dans ses épîtres. Car ils ne le faisaient point par l'impulsion de leur conscience, mais par vanité, parce qu'ils voulaient se faire des disciples, et par esprit de contention et d'envie contre le bienheureux Paul. Tel est cet « enseignement d'une autre doctrine ».
« Et de ne point s'attacher », poursuit-il, « à des fables et à des généalogies ». Les fables dont il parle, ce n'est pas la loi, à Dieu ne plaise; mais les additions fictives, la fausse monnaie de la loi, les opinions trompeuses. Il paraît que les vains esprits de la race des Juifs employaient toutes leurs facultés à supputer les générations pour s'acquérir la renommée d'hommes savants et érudits. « De prescrire à certains hommes de ne point enseigner une autre doctrine et de ne point s'attacher à des fables et à des généalogies sans fin ». Que veut dire ici sans fin ? »
Quelque chose d'interminable, ou sans objet sérieux, ou peu intelligible. Vous voyez comment il blâme ces recherches. Là où est la foi, la recherche est inutile; là où il n'y a rien à chercher, à quoi bon l'examen? L'examen exclut la foi. En effet celui qui cherche n'a pas encore trouvé, et ne peut avoir la foi. C'est pourquoi l'apôtre dit: Ne nous occupons point de recherches. Si nous cherchons, nous n'avons pas la foi qui est le repos du raisonnement. Comment donc le Christ dit-il : « Cherchez et vous trouverez; frappez et il vous sera ouvert ? » (Matth. VII, 7.) Et encore : « Scrutez les Ecritures, puisque vous pensez y avoir la vie éternelle ». (Jean, V, 39.) Là le mot « cherchez » est dit de la prière et de ses ardents désirs; ici, « scrutez les Ecritures » n'est pas dit pour provoquer des recherches fatigantes, mais pour en soulager. Quand Jésus-Christ dit : « Scrutez les Ecritures », il entend : Afin d'en apprendre et d'en posséder le sens exact, non pour chercher toujours, mais pour mettre fin à nos recherches. Et l'apôtre dit avec justice : « Prescrivez à certains hommes de ne pas enseigner une autre doctrine et de ne pas s'attacher à des fables et à des généalogies sans fin, qui produisent des recherches plutôt que l'édification divine qui est dans la foi ». (I Tim. I, 3, 4.) L'expression « l'édification divine », est juste ; car Dieu a voulu nous donner de grands biens; mais le raisonnement n'est pas apte à concevoir la grandeur de ses plans. C'est l'oeuvre de la foi, qui est le plus grand des remèdes de l'âme. La recherche est donc opposée au plan divin. Et quel est ce plan fondé sur la foi ? Accueillir les bienfaits de Dieu et devenir meilleur ; ne point disputer ni douter, mais trouver le repos. Car ce que la foi a achevé et édifié, la recherche le renverse. Comment cela? En soulevant des questions et en mettant de côté la foi. « Ne pas s'attacher à des fables et à des généalogies sans fin ». Quel mal, dira-t-on, faisaient ces généalogies ? Le Christ a dit que l'on doit être sauvé par la foi, et ceux-là cherchaient et disaient qu'il n'en saurait être ainsi. Car, puisque l'assertion, la promesse est pour le temps présent, et l'accomplissement pour l'avenir, la foi est nécessaire. Or ces hommes, préoccupés des observances de la loi , faisaient obstacle à la foi. Mais je pense qu'il parle ici des gentils, dressant le catalogue de leurs dieux, quand il dit : « Les fables et les généalogies ».
