CHAPITRE V. L'EXEMPLE DE JÉSUS-CHRIST PROUVE QUE LES APÔTRES ONT EU LA PERMISSION DE SE FAIRE ACCOMPAGNER ET SERVIR PAR DES FEMMES.
6. Si quelqu'un pensait que les Apôtres n'ont pu agir ainsi, ni se laisser suivre par des femmes de sainte vie qui les accompagnaient dans tous les lieux où ils prêchaient eux-mêmes l'Evangile, afin de les pourvoir du nécessaire à leurs frais, je l'inviterais à consulter l'Evangile même et à se convaincre qu'en cela les disciples suivaient l'exemple du Maître. Notre-Seigneur, en effet, compatissant à nos faiblesses, selon la loi de sa miséricorde, et bien qu'il pût se faire servir par les Anges, possédait lui-même une bourse destinée à recevoir l'argent que ne manquaient pas de lui offrir les fidèles vertueux pour la subsistance nécessaire de ses disciples. Cette bourse, il l'avait confiée à Judas, pour nous apprendre à supporter les voleurs dans l'Eglise, si nous ne pouvons les éviter: car, d'après l'Ecriture-Sainte, ce misérable volait ce qu'on y mettait1. En outre, Jésus voulut se faire suivre par les femmes qui lui devaient préparer et fournir le nécessaire, montrant ainsi qu'à l'égard de l'armée des prédicateurs de l'Evangile et des ministres de Dieu, le peuple avait une dette à payer, comme les provinces aux armées de l'Empire ; et qu'ainsi, lorsqu'un Apôtre, à l'instar de saint Paul, refuserait d'user de son droit et de recevoir son dû, c'est qu'il serait plus généreux envers l'Eglise, en n'exigeant pas son très-juste salaire, et gagnant par son travail sa nourriture de chaque jour. Car l'hôtelier auquel on avait conduit le blessé du chemin de Jéricho, avait reçu cette promesse : « Si vous dépensez davantage, je vous le rembourserai à mon retour2 ». Paul était ainsi celui qui dépensait davantage, puisque d'après ses paroles mêmes, il portait les armes à ses frais3. — Or, voici ce qu'on lit dans l'Évangile : « Ensuite Jésus lui-même faisait route par les villes et bourgades , prêchant et évangélisant le royaume de Dieu; et les douze l'accompagnaient, ainsi que plusieurs femmes qui avaient été délivrées de malins esprits ou de maladies, comme Marie surnommée Madelaine, de laquelle sept démons étaient sortis, et Jeanne, de Chuza, intendant d'Hérode, et Suzanne, et plusieurs autres qui l'aidaient de leurs biens4 ». A l'exemple du Seigneur, les Apôtres recevaient la nourriture qu'on leur devait, et le Seigneur en parle ainsi très-expressément : « Allez, dit-il, prêchez en disant que le royaume des cieux est proche; guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement; donnez gratuitement. Gardez-vous de posséder or, argent, ni monnaie dans vos ceintures, ni manteau pour la route, ni double tunique, ni chaussures, ni bâton. Car l'ouvrier mérite sa nourriture5 ». Voilà le texte où le Seigneur établit le règlement que rappelle l'Apôtre. Car en leur recommandant de ne rien porter avec eux de toutes ces provisions, le Seigneur voulait que, selon leurs besoins, ils dussent recevoir des mains de ceux auxquels ils annonçaient l'Évangile.
