II.
Vous essayez tout d'abord de rendre l'éloquence suspecte aux yeux des hommes.En effet, soins une forme extérieurement élogieuse pour mon style et ma diction, votas vous prenez subitement à craindre que la perfection de mon langage ne soit pour moi un moyen de vous tromper vous ou d'autres, et aussitôt vous formulez un tel réquisitoire contre l'éloquence que vous n'hésitez pas à invoquer contre elle le témoignage même de la sainte Ecriture. Or, voici ce qu'il vous plaît d'y lire. « Avec une grande éloquence vous n'échapperez point au péché »; vous êtes dans l'erreur, il ne s'agit point de l'éloquence, mais « de la loquacité1 ». La loquacité n'est autre chose que la superfluité du langage et des paroles ; c'est donc un vice contracté par l'amour désordonné de parler. Ceux qui en sont les victimes éprouvent le besoin de parler, mais quand ils ne savent pas ce qu'ils disent, ou qu'ils ignorent la valeur des mots ou les règles du langage. Au contraire, l'éloquence n'est autre chose que la faculté de bien dire et d'exprimer convenablement ce que nous sentons; on ne doit donc en user qu'en faveur, de ce qui est vrai et bien. Envisagée en ce sens, l'éloquence n'a donc jamais été le partage des hérétiques comme tels. En effet, si leurs pensées avaient toujours été justes et droites, leur langage n'aurait jamais connu ni l'erreur ni le mensonge. C'est donc bien à tort que vous cherchez dans ces hérétiques une preuve pour incriminer l'éloquence. Doit-on arracher les armes aux défenseurs de la patrie, parce que quelques soldats se sont armés contre elle? Parce que certains médecins ignorants abusent quelquefois de certains remèdes, jusqu'à faire mourir leurs malades, doit-on conclure que les, médecins consciencieux et savants ne doivent pas les employer pour rendre la santé ? Ne sait-on pas que les choses le plus ardemment désirées peuvent être utiles ou inutiles? N'en est-il pas de même de l'éloquence qui devient utile ou inutile selon que son objet est utile ou inutile? De telles notions, je n'en doute pas, vous sont familières.
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Prov. X, 19. ↩
