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Or, n'y a-t-il pas une grande différence entre ces deux propositions: L'homme trouve dans la science de la loi un secours pour ne pas pécher; et : Personne ne peut être sans péché, si ce n'est celui qui possède la connaissance de la loi? Prenons des exemples. On peut battre le grain sans se servir de traîneaux, et cependant ils aident beaucoup quand on peut en avoir. Les enfants peuvent aller à l'école sans y être conduits par leurs maîtres, et cependant la surveillance des maîtres est loin d'être inutile. Beaucoup de malades guérissent sans recourir aux médecins, et cependant on ne saurait nier l'efficacité des secours de la médecine. Les hommes avec d'autres aliments peuvent se passer de pain, quoique le pain soit le meilleur de tous les aliments. Nous pourrions citer beaucoup d'autres exemples, mais le lecteur suppléera facilement à notre silence. Observons seulement que les secours sont de deux espèces. Les uns sont tels que sans eux on ne peut atteindre le but auquel ils sont destinés ; ainsi l'on ne peut naviguer sans navire; on ne peut parler sans voix, on ne peut marcher sans pieds, on ne peut voir sans lumière, etc.; ajoutons seulement qu'on ne peut vivre saintement sans la grâce de Dieu. D'autres sont de telle nature, que tout en aidant lorsqu'on les emploie, on peut cependant obtenir sans eux le but qu'on se propose et qu'ils faciliteraient. Tels sont les secours dont j'ai parlé précédemment : les traîneaux pour battre les récoltes, le maître pour conduire les enfants, le médicament artificiel pour rendre la santé, etc. Maintenant il s'agit de savoir auquel de ces deux genres de secours appartient la science de la loi, c'est-à-dire comment elle nous aide à éviter le péché. Si elle aide de telle manière que sans elle on ne puisse ne pas pécher, Pélage a dit vrai non-seulement dans sa réponse aux juges, mais encore dans son livre. Au contraire, si en dehors de cette science on peut ne pas pécher, quoique sa présence soit un puissant secours pour obtenir ce précieux résultat; alors la réponse de Pélage à ses juges reste vraie, et les évêques n'ont pas eu tort d'admettre que la connaissance de la loi aide l'homme à ne pas pécher; mais il n'était pas dans le vrai quand il écrivait : «Qu'aucun homme ne peut être sans « péché, si ce n'est celui qui possède la con« naissance de la loi ». Cependant comme la langue latine était étrangère à ses juges, ils omirent de discuter cette proposition, et se contentèrent de la déclaration faite par l'accusé. Surtout il ne se trouvait au synode aucun accusateur qui enjoignît à l'interprète de préciser le sens de, ces paroles en les expliquant, et de montrer que ce n'était pas en vain que les catholiques s'étaient émus. En effet, il est très-rare de rencontrer des hommes qui aient une connaissance parfaite de la loi ; la multitude des chrétiens, répandus sur toute la face de l'univers, reste étrangère à la profondeur et à la multiplicité des lois; sa ferme croyance aux vérités de la foi, son espérance inébranlable en Dieu, et sa charité sincère, lui suffisent; douée de ces dons, aidée de la grâce de Dieu, elle est assurée de pouvoir obtenir sa justification par Jésus-Christ Notre-Seigneur.
