2.
Dans votre lettre, vous me parlez des efforts que vous avez tentés auprès de Pélage pour le déterminer à rétracter par écrit toutes les erreurs dont on l'accuse. Et voici ce qu'il vous aurait répondu : « J'anathématise celui qui croit ou enseigne que la grâce de Dieu, sous l'inspiration de laquelle Jésus-Christ est venu en ce monde pour sauver les pécheurs1, ne nous est pas nécessaire, non« seulement pour chaque heure ou pour chaque moment, mais encore pour chacune de nos actions. Ceux qui portent ainsi atteinte à la nature même et à l'existence de la grâce, sont dignes des châtiments éternels ».
Devant un langage en apparence aussi formel, tout homme qui ignore le sens que Pélage attache à ces paroles, le sens qu'il leur donne assez clairement dans ses livres, non pas seulement dans les livres qu'il dit avoir été arrachés de ses mains avant qu'il ait pu les revoir et les corriger, non pas seulement dans les livres dont il rejette pour lui-même la honteuse paternité, mais dans les livres mêmes dont il fait l'éloge dans ses lettres adressées à Rome; si, dis-je, on ignore le sens qu'il attache à ces paroles, comment ne pas conclure qu'elles sont d'une parfaite orthodoxie? Mais pour peu que l'on connaisse ses pensées favorites, ces paroles mêmes doivent paraître suspectes. En effet, quoique cette grâce de Dieu, par laquelle Jésus-Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, ne consiste pour lui que dans la rémission des péchés, il est parfaitement d'accord avec lui-même, quand il soutient que la grâce nous est nécessaire non-seulement pour chaque heure et pour chaque moment, mais encore pour chacune de nos actions. Car nous avons besoin de son influence pour conserver le souvenir toujours vivant de la rémission de nos péchés et le désir de ne plus pécher désormais. Enfin, pour arriver à cette exemption complète du péché, nous sommes aidés, non point par un secours ou une force étrangère, mais par la puissance seule de notre propre volonté, qui, dans chacune de ses actions, se souvient du grand bienfait qu'elle a reçu par la rémission de ses péchés. D'un autre côté, il n'est que trop ordinaire aux Pélagiens de soutenir que Jésus-Christ nous aide à ne pas pécher, parce qu'il nous a laissé dans la sainteté de sa vie et de sa doctrine un beau modèle à imiter. A ce point de vue encore et sans se contredire, ils peuvent affirmer que la grâce nous est nécessaire à chaque moment et pour chacune de nos actions, en ce sens que dans toute notre vie nous ayons les yeux fixés sur les exemples que nous a laissés le Sauveur. Ce simple exposé vous suffit pour vous faire comprendre que la profession de foi pélagienne sur la grâce est toute différente de la profession de foi catholique; et cependant, telle est l'ambiguïté de leur langage qu'on pourrait encore s'y méprendre.
-
I Tim. I, 15. ↩
