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Il me paraît être une parfaite image de ces gourmands insatiables , qui aiment mieux charger leur estomac outre mesure et se nuire à eux-mêmes , que d'abandonner leurs restes à celui qui est dans le besoin.
Reconnaissez, ô riche, celui dont vous tenez vos richesses ; rappelez-vous qui vous êtes, quels sont les biens que vous administrez, quel est celui dont vous les avez reçus , et pourquoi il vous a préféré à tant d’autres. Vous êtes le dispensateur d'un Dieu bon , l'intendant et l'économe de vos semblables. Ne croyez pas que les productions abondantes de vos champs soient destinées uniquement à satisfaire votre avidité. Ne regardez pas comme étant à vous les biens que vous avez entre les mains ; ces biens qui , après vous avoir réjoui quelques instants, ne tarderont guère à être dissipés; ces biens dont on vous demandera un compte rigoureux. Vous doublez les portes et les serrures pour les enfermer tous , vous les scellez et les enchaînez de toutes parts ; craintif et inquiet , vous veillez à leur garde , et délibérant avec vous-même, prenant l'avis d'un mauvais conseiller , vous vous demandez : Que ferai-je ? La réponse était prête et toute simple: Je soulagerai la faim du pauvre , j'ouvrirai mes greniers , et j'appellerai tous les indigents. A l'exemple de Joseph , je ferai retentir ces paroles aussi pleines de grandeur que d'humanité : O vous tous qui manquez de pain, accourez à moi , recevez chacun votre subsistance de la bonté de Dieu , prenez votre part des biens qui coulent comme d'une fontaine publique ( Gen. 47. ). Mais vous êtes bien loin , oui , vous êtes bien loin de ressembler à Joseph, vous qui enviez aux autres hommes la jouissance de vos possessions ; vous qui , tenant conseil au-dedans de vous-même, et prenant un parti funeste aux pauvres , pensez non à soulager les besoins de chacun, mais à garder pour vous seul ce que vous recueillez, et à priver tons les autres de l'avantage qu'ils pouvaient tirer de vos richesses. On était près de redemander l'âme du riche de l'Evangile ( Luc. 12. 20. ) , et il songeait à manger les fruits de ses terres ; on devait la lui redemander cette nuit même , et il imaginait des jouissances pour plusieurs années. On lui a permis de consulter à loisir , et de manifester ses sentiments , afin de lui faire subir la sentence digne de sa résolution criminelle.
