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[4] Ainsi donc, toutes les fois que l'on discute avec un homme attaché aux croyances grecques on fera bien de débuter ainsi : Croit-il à la divinité, ou partage-t-il l'opinion des athées? S'il nie l'existence de Dieu, on l'amènera, en parlant de la savante et sage économie du monde, à reconnaître là l'existence d'une puissance qui s'y manifeste et qui est supérieure à l'univers. Si au contraire il ne met pas en doute l'existence de la divinité, mais se laisse entraîner a croire à une multitude de dieux, ayons recours à une argumentation de ce genre : [5] La divinité, selon lui, est-elle parfaite ou imparfaite ? Si, comme il est probable, il confesse la perfection de la nature divine, obligeons-le à étendre cette perfection à tous les aspects de la divinité, de peur qu'il ne considère le divin comme un mélange de contraires, l'imparfait s'y unissant au parfait. Qu'il s'agisse de la puissance, ou de !a faculté de concevoir le bien, de la sagesse, de l'incorruptibilité, de l'éternité, ou de toute autre conception convenant à la divinité qui vienne à être envisagée, il reconnaîtra, par la suite logique du raisonnement, que la perfection doit être partout considérée dans la nature divine.
[6] Ce point étant accordé, il ne sera plus difficile d'amener la pensée, qui s'est dispersée sur une foule de dieux, à l'aveu d'une divinité unique. Si l'adversaire reconnaît en effet qu'il faut accorder à l'objet de la discussion une perfection absolue, mais en ajoutant qu'il y a une foule d'entités divines marquées des mêmes caractères, il faut de toute nécessité, dans ces natures que ne distingue aucune différence, et qui sont envisagées avec les mêmes attributs, montrer ce qui leur est propre; ou, si la pensée ne peut concevoir aucune particularité là où il n'existe pas de différence, ne pas supposer de distinction. [7] Car si l'on ne découvre pas de différence de plus ou de moins, en vertu de cette idée que la notion de perfection exclut un amoindrissement, ni aucune différence d'infériorité ou de supériorité (car on ne concevrait plus de divinité là où subsisterait ce qualificatif d'infériorité), ni aucune différence d'ancienneté et de nouveauté, puisque la notion du, divin exclût la négation de l'éternité; — si donc l'idée de divinité reste une et identique à elle-même, et que le raisonnement ne découvre nulle part aucune particularité, de toute nécessité la conception erronée d'une multitude de dieux se trouvé acculée à l'aveu d'une divinité unique. [8] En effet, si la bonté et la justice, la sagesse et la puissance lui sont accordées au même degré, et si l'immortalité, l'éternité et tout autre attribut conforme à la piété lui sont reconnus de la même manière, toute différence disparait, de quelque façon que l'on raisonne, et avec elle disparaît nécessairement la croyance au polythéisme, puisque cette identité absolue nous amène à croire à l'unité.
