1.
Mais puisque la doctrine de notre sainte religion sait discerner une différence de personnes dans l'unité de nature, il ne faut pas que notre exposé, en luttant contre les Grecs, se laisse entraîner au judaïsme. Il convient donc, à l'aide d'une distinction habile, de corriger à son tour l'erreur qui se manifeste sur ce point.
[2] Ceux-là même qui restent étrangers à nos doctrines ne conçoivent pas la divinité sans verbe, et leur assentiment sur ce point suffira à expliquer notre propre thèse. Convenir en effet que Dieu ne va pas sans verbe revient à lui accorder expressément le verbe dont on ne le suppose pas dépourvu. Mais on parle aussi dans les mêmes termes de la parole humaine. Si donc l'adversaire déclare se représenter le verbe divin à la ressemblance de notre parole, on pourra l'amener ainsi à une conception plus élevée. [3] Il faut en effet, de toute nécessite, se persuader que le verbe, comme toutes les autres facultés, est proportionné à la nature. On distingue dans l'homme un certain pouvoir, une vie, une sagesse; Mais on ne se fonderait pas sur la similitude des termes pour supposer chez la divinité une vie, ou une puissance, ou une sagesse du même genre. Le sens de ces mots-là se rapetisse à la mesure de notre nature. Comme notre nature est périssable et faible, notre vie par suite est éphémère, inconsistante notre puissance, incertain notre verbe. [4] Dans la nature souveraine, au contraire, tous les attributs qu'on lui accorde s'étendent pour se proportionner à la grandeur du sujet. Par conséquent, lorsqu'on parle du Verbe de Dieu, on ne doit pas s'imaginer qu'il tient sa réalité de l'acte de la parole, pour perdre ensuite celle réalité, à la façon de notre propre verbe. Comme notre nature périssable a un verbe périssable, ainsi la nature incorruptible et éternelle possède un Verbe éternel et substantiel.
