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Le Christ lui-même ne montre-t-il pas combien cette vertu est difficile, lorsqu'il ne permet même pas de regarder le visage des femmes, lorsqu'il menace du supplice des adultères ceux qui se permettent ces regards. Une autre fois, Pierre ayant fait la réflexion qu'il n'était pas avantageux de se marier (Matth. XIX, 10.), le Seigneur, dans sa réponse, ne va pas jusqu'à faire une loi du célibat et de la virginité, mais il insiste encore sur cette difficulté de la vertu de chasteté : Que celui qui peut y atteindre, y atteigne, dit-il. (Ibid. XII.)
Ne savons-nous pas que de nos jours des hommes se lient avec une chaîne de fer; se couvrent d'un sac, se réfugient sur le sommet des montagnes, passent leur vie dans des jeûnes et des veilles continuelles, s'astreignant à la plus sévère discipline , interdisant à toute femme l'entrée de leur cellule, et se mortifiant rudement, et que, malgré tout cela, ils ont beaucoup de peine à éteindre le feu de la concupiscence ? Et l'on veut qu'en voyant un homme habiter avec une vierge, ne pouvoir s'en séparer, se plonger dans les délices, aimer mieux perdre son âme que cette compagne, être prêt à tout faire, à tout souffrir plutôt que de se séparer de cet objet de son amour; on veut, dis-je, que nous ne soupçonnions aucun mal, que nous voyions en cela non un ouvrage de la concupiscence, mais une oeuvre de piété !
O l'homme étonnant ! Mais, pour être capable de cette naïveté de sentiments, comme de cette pureté d'intention, c'est avec les rochers qu'il faut vivre et non dans la société des hommes. Peut-être ne le croirez-vous pas à cause de votre extraordinaire chasteté : cependant, j'ai entendu dire que des hommes se passionnaient pour des statues de pierre ! Si une vaine représentation, une figure inanimée et froide produit une telle impression, quelles ardeurs n'allumera pas la vue d'un vrai corps, joignant à la beauté des formes tout le charme du sentiment et de la vie ! Quoi que vous disiez pour vous défendre , on croira vos accusateurs plutôt que vous , parce qu'ils ont pour eux la vraisemblance. L'homme éprouve-t-il pour la femme un désir naturel, ou non? De quel côté est la vraisemblance? évidemment du côté de ceux qui soutiennent que ce désir existe. Quand, malgré tant de motifs qui poussent à renoncer à ces cohabitations, vous ne voulez pas vous rendre, quand vous vous jetez résolument dans cet abus, malgré le déshonneur et les désagréments qui vous attendent pour tout avantage, que faut-il vraisemblablement en conclure? Que vous agissez avec une bonne intention ou avec une mauvaise? A mon avis, on dira sans hésiter que votre intention n'est pas bonne.
Toutefois, nous ne voulons point trop approfondir; admettons que les scandales dont vous êtes l’occasion n'ont point de motif réel: Veuillez me dire pourquoi vous avez une jeune fille dans votre maison. L'affection et l'amour, tel est le motif ordinaire de cette cohabitation. Otez l'amour , la cohabitation n'a plus de raison d'être. Quel homme, en effet, voudrait, sans ce motif impérieux, supporter les faiblesses, les caprices et toutes les autres imperfections d'une femme ? C'est pourquoi Dieu a donné à la femme une arme spéciale, la beauté,, sachant bien qu'elle serait méprisée si elle n'exerçait pas cette sorte d'empire, et qu'aucun homme exempt de passions ne voudrait s'unir avec elle. Si, maintenant qu'elles sont si indispensables, puisqu'elles servent à la propagation de l'espèce humaine, qu'elles gouvernent l'intérieur de la maison, et rendent encore beaucoup d'autres services, elles sont néanmoins souvent méprisées et chassées de la famille; comment, sans l'attrait de la concupiscence , pourriez-vous les aimer , surtout quand elles attirent tant d'opprobres sur vous? Avouez donc la cause de cette cohabitation, ou vous me forcerez à en soupçonner une, c'est-à-dire une coupable concupiscence , ou une honteuse volupté.
