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Ce n'est pas simplement dans les villes que ces succès ont été obtenus, mais jusque dans le désert, dans les villages et dans les champs et dans les Iles et dans les ports et dans les arsenaux maritimes; non-seulement les pauvres, mais les grands, et ceux mêmes qui portent couronnes sont les sujets très-fidèles du Crucifié. Tout cela ne s'est pas fait au hasard, mais a été prédit longtemps d'avance , je vais essayer de le démontrer. Pour qu'on ne suspecte pas la sincérité de ma parole, je produirai les livres des Juifs qui ont crucifié Jésus-Christ , et je parcourrai sous les yeux des infidèles, les témoignages que rendent les Ecritures conservées aujourd'hui même encore chez ce peuple.
Voici d'abord Jérémie, qui nous dit qu Dieu sera homme sans cesser d'être Dieu : C'est lui qui est notre Dieu; devant lui t autre sera compté pour rien. Il a trouvé toutes les voies de la science, et il les a livrées à Jacob, son serviteur, et à Israël, son bien-aimé. Après cela, il a été vu sur la terre, et il a conversé avec les hommes. (Baruch, III, 36-38.) Voilà tout le mystère du Dieu fait homme énoncé en peu de mots : Dieu s'est fait homme, il a conversé avec les hommes, et ce Dieu est le même qui a établi l'ancienne loi : Il a trouvé toutes les voies de la science, et il les a livra à Jacob, son serviteur, et à Israël, son bien-aimé. Ceci montre que, avant même son avènement dans la chair, c'est lui qui gouvernait et réglait tout, lui qui étendait sur tout ses lois, sa providence, sa surveillance, et ses bienfaits.
Un autre prophète dit que non-seulement il sera homme, mais qu'il naîtra d'une vierge; écoutez ses paroles : Voilà qu'une vierge portera dans son sein et enfantera un fils, et on lui donnera le nom d'Emmanuel (Is. VII, 14); ce qui se traduit : Dieu avec nous. Ensuite pour montrer qu'il n'aurait pas seulement les apparentes de l'humanité, mais qu'il serait réelle ment homme, le Prophète ajoute : Il mangera le beurre et le miel, c'est-à-dire, il usera des mêmes aliments que les enfants ordinaires. Puis, pour signifier qu'il n'est pas simplement homme, mais Dieu , le Prophète continue en ces termes : Avant l'âge auquel un enfant a coutume d'appeler son père bon ou mauvais, c'est-à-dire de discerner le bien et le mal, il repoussera le mal, et choisira le bien. (Isa. VII, 16.)
Non-seulement le Christ sera homme et naîtra d'une vierge, mais il sortira de la maison de David, c'est encore le prophète Isaïe qui le prédit. Quoiqu'énoncée en termes figurés et métaphoriques, sa prophétie n'en est pas moins (369) d'une précision remarquable : Il sortira un rejeton de la tige de Jessé, et une fleur naîtra de sa racine; et sur lui se reposera l'esprit de Dieu, l'esprit de sagesse et d'intelligence, l'esprit de conseil et de force, l'esprit de science et de piété; l'esprit de la crainte de Dieu le remplira. (Is. XI, 1-3.) Or, David eut Jessé pour père, ce lest donc pas seulement la tribu, mais encore la famille d'où devait sortir le Christ qui se trouve ici marquée : Il sortira un rejeton de la racine de Jessé, paroles qui ne désignent pas un rejeton ordinaire, mais le Christ lui-même et sa royauté. Ce qui suit nous le fait voir. Car, après avoir dit : Il sortira un rejeton, le Prophète ajoute : Et sur lui se reposera l'esprit de sagesse et d'intelligence. Or, personne ne sera assez insensé pour dire que la grâce de l'esprit est venue sur du bois; non, rien n'est plus clair : c'est sur ce temple sans tache qu'elle est descendue. Le Prophète ne dit pas : l'esprit viendra, mais : il se reposera, pour marquer qu'une fois venu, il est resté et ne s'est point retiré. Jean l'Evangéliste le déclare également. J'ai vu, dit-il , l'Esprit descendre comme une colombe, et rester sur lui. (Jean, I, 32.) La décision donnée par les Juifs après la naissance de Jésus-Christ n'a pas été non plus passée sous silence. Saint Matthieu dit à ce sujet : A cette nouvelle Hérode fut troublé, et toute la ville de Jérusalem avec lui. (Matth. II, 3.) A coté de l'Evangéliste écoutez le Prophète; après avoir dit que les instruments de guerre deviendront la pâture de la flamme, il dit : Car un petit enfant nous est né et un fils nous a été donné; il sera appelé l'ange du grand conseil, le conseiller admirable, Dieu fort, le maître, le prince de la paix, le père du siècle futur. (Is. IX, 5,6.) Si porté que l'on soit à la contestation, personne n'osera soutenir qu'il s'agit ici d'un pur homme , tant il est évident qu'aucun homme n'a jamais été appelé le Dieu fort, ni le prince de la paix, surtout d'une paix semblable : Sa paix, est-il dit, n'a pas de limite. (Ibid. 7.) Les faits ne parlent pas autrement que le Prophète ; la paix du Sauveur a parcouru toute la terre et toute la mer, tout le monde habité et tous les déserts, les montagnes, les vallées, les collines, depuis ce jour où, près de remonter aux cieux , Jésus-Christ disait à ses disciples : Je vous donne ma paix, ce n'est pas comme le monde la donne, que je vous la donne. (Jean, XIV, 27.) Pourquoi? Parce que la paix des hommes se rompt aisément et qu'elle est sujette à beaucoup de vicissitudes, tandis que la paix de Jésus-Christ est ferme, stable , fixe, constante, immortelle, sans fin, malgré les innombrables combats qu'on lui livre de toutes parts , malgré les fréquentes embûches qu'on lui tend chaque jour. Sa parole, créatrice de toutes choses , ajoute cette merveille à tant d'autres.
