1.
Je me proposais de compléter aujourd'hui ce qui me. reste à dire sur le sujet dont je vous ai entretenus récemment, et de vous montrer avec plus d'évidence que Dieu est incompréhensible. C'est sur ce sujet, en effet, que, dimanche dernier, je vous ai parlé longuement et abondamment, en apportant le témoignage d'Isaïe, de David et de Paul. Qui racontera sa génération (Isaïe, LIII, 8) ? s'écriait le premier. Le second lui rendait grâces de ce qu'il est incompréhensible, en disant : Je vous louerai, parce que vous vous êtes montré admirable d'une manière effrayante : admirables sont vos œuvres. (Ps. CXXXVIII, 14.) Et encore : Votre science est élevée d'une manière merveilleuse, au-dessus de moi : elle est si sublime que je ne pourrai y atteindre. (Ibid. 6.) Paul, lui, ne portait pas sa recherche sur l'essence même de Dieu, mais, seulement sur sa providence, et encore n'embrassant que ce seul petit point de la providence qu'il avait démontré dans la vocation des Gentils, et le voyant comme une mer vaste et immense, il s'écriait : O profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu! que ses jugements sont incompréhensibles et ses voies impénétrables! (Rom. XI, 33.)
Ces preuves , en vérité, étaient suffisantes ; cependant, je ne me suis pas contenté des prophètes, je ne m'en suis pas tenu aux apôtres j'ai monté dans le ciel, et je vous ai montré le choeur des anges, qui disait : Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre, bienveillance aux hommes! (Luc, XI, 14.) Vous avez entendu les séraphins crier encore dans la stupeur et l'effroi : Saint, saint, saint, le Seigneur des armées, toute la terre est pleine de sa gloire ! (Is. VI, 3.) J'y ai joint les chérubins s'écriant: Bénie soit sa gloire du lieu où il réside. (Ezéch. III, 12.) Sur la terre, trois témoins, trois témoins au ciel vous ont donc démontré l'inaccessibilité de la gloire de Dieu. Aussi, la démonstration atteignit une éclatante évidence, et les applaudissements étaient nombreux; la scène s'échauffait, et l'assemblée était embrasée. Pour moi, je rendais grâces, non de ce qu'on me louait moi-même, mais de ce que mon Maître était glorifié. Car, ces applaudissements et ces éloges montraient l'amour de vus âmes pour Dieu. Des serviteurs sincèrement attachés à leur maître, ressentent aussi une vive affection pour celui qu'ils entendent faire l'éloge de ce maître; ainsi avez-vous fait alors l'ardeur de vos applaudissements a montré la grandeur de votre amour pour le divin Maître. Je me proposais donc de livrer aujourd'hui encore les mêmes combats. Car, si les ennemis de la vérité ne se rassasient pas de blasphémer contre le Bienfaiteur du genre humain, combien plus faut-il que nous soyons enflammés du désir insatiable de publier la louange du Dieu de l'univers.
— Mais que faire ? Une autre maladie, la plus grave qui se puisse imaginer, demande tous nos soins : il faut lui appliquer le remède de nos instructions; il s'agit d'une maladie qui affecte le corps même de l'Eglise. Il faut la guérir avant tout; les,malades du dehors viendront ensuite. Nos premiers soins doivent être pour ceux de la famille, les étrangers n'y ont droit qu'après.
Mais quelle est cette maladie ? Les fêtes de ces malheureux Juifs vont arriver; fêtes continuelles, incessantes : les trompettes, les tabernacles, les jeûnes; et beaucoup de ceux qui font avec nous une même société, qui disent avoir les mêmes sentiments que nous, assistent à ces fêtes : les uns vont les voir, d'autres même y prennent part, et observent les jeûnes judaïques. C'est cette coutume, perverse dont je veux délivrer l'Eglise maintenant. Car les discours contre les Anoméens peuvent aussi bien se prononcer en un autre temps, sans que vous ayez aucunement à souffrir de ce retard; mais nos frères, qui sont atteints du mal judaïque, si on ne leur donnait des soins, maintenant que les fêtes des Juifs sont proches, et que nous touchons à l'époque où elles se célèbrent, il serait à craindre que quelques-uns, par suite d'une mauvaise habitude et d'une grande ignorance, ne participassent à leurs iniquités, et dès lors à quoi serviraient nos discours? En effet, s'ils ne sont pas prévenus aujourd'hui, ils jeûneront avec les Juifs, et quand le péché aura été commis, vainement viendrons-nous appliquer le remède. C'est pourquoi je me hâte d'aller au-devant. Les médecins agissent de la sorte ; les maladies les plus pressantes et les plus aiguës sont celles qu'ils attaquent d'abord. Il y a, du reste, une affinité parfaite entre les deux controverses que nous soutenons. Il y a du rapport entre l'impiété des Anoméens et celle des Juifs : il y en a par conséquent entre nos combats précédents et ceux d'aujourd'hui. Les Anoméens se heurtent aujourd'hui contre la même pierre d'achoppement où se sont brisés les Juifs. De quoi les Juifs accusaient-ils Jésus-Christ? De dire que Dieu est son propre Père, se faisant ainsi lui-même égal à Dieu. (Jean, V, 18.) C'est la même chose que lui reprochent aujourd'hui les Anoméens, ou plutôt ce n'èst pas un reproche qu'ils font, mais ils effacent les paroles et le sens des Ecritures, sinon de la main, du moins par la pensée et la volonté.
