4.
Il n'en est pas ainsi de nos Eglises; elles sont réellement terribles et pleines d'une sainte horreur. Le lieu où réside le Dieu qui commande à la vie et à la mort, est un lieu terrible. (Matth. X, 28.) C'est là que vous entendez ces instructions salutaires sur les châtiments éternels, sur les fleuves de feu, sur le ver à la morsure empoisonnée, sur les liens qu'on ne peut rompre , sur les ténèbres extérieures. (Ibid. XXII, 13.) Les Juifs ne savent rien de ces choses, la plus légère idée de cet avenir n'a pas même traversé leurs rêves; ils ne vivent que pour leur ventre, n'aspirent qu'après les choses présentes, n'ont rien qui les rendent supérieurs à des pourceaux et à des boucs, tant ils sont lascifs et gourmands. Ils ne savent qu'une chose : remplir leur ventre et s'enivrer, se battre pour des danseurs et se blesser pour des cochers. Sont-ce là des choses saintes et terribles ? Qui le soutiendra? Que voyez-vous là de terrible, à moins que l'on ne dise que des esclaves misérables, sans le moindre crédit auprès de Dieu, qui se sont enfuis de la maison de leur maître, sont terribles pour les hommes qui jouissent de l'estime publique et de la liberté de parler? Mais il n'en est pas ainsi; non, il n'en est pas ainsi. Une auberge, en effet, est moins digne de respect que les cours des rois, et la synagogue est encore moins honorable qu'une auberge quelconque. C'est une hôtellerie de brigands, de coquins, même de démons; j'en dirais autant des âmes des Juifs. C'est ce que je m'efforcerai de vous démontrer à la fin de ce discours. Je vous exhorte donc à vous souvenir surtout de cette partie de mon instruction. Car, ce n'est pas par ostentation ni pour les applaudissements que nous parlons maintenant, mais pour la guérison de vos âmes. Que vous restera-t-il encore à dire pour votre justification, quand, avec tant de médecins, quelques-uns d'entre vous sont encore malades?
Les apôtres étaient au nombre de douze, et ils ont attiré le monde entier à l'Evangile ; la plus grande partie de la ville est chrétienne, et il y en a encore quelques-uns qui sont malades de judaïsme. Quelle excuse apporterons-nous nous-mêmes qui sommes sains? Sans doute, ceux qui sont atteints de cette peste sont très-coupables, mais nous-mêmes nous ne sommes pas exempts de blâme, en les abandonnant dans leur maladie. Nos soins les guériraient nécessairement s'ils ne leur étaient pas épargnés. C'est pourquoi il faut que chacun de vous empêche son frère de fréquenter les Juifs : je vous y exhorte, faites-le quand même il faudrait le contraindre, user de violence, le quereller, le maltraiter; ne négligez rien pour l'arracher au filet du diable, et le délivrer de toute société avec les assassins de Jésus-Christ. Dites-moi, si sur la place publique, vous voyiez conduire au supplice un homme condamné par une juste sentence, et que vous fussiez le maître de l'arracher aux mains du bourreau, ne feriez-vous pas tout au monde pour le délivrer? Maintenant, vous voyez votre frère entraîné injustement, cruellement, non par le bourreau, mais par le diable, dans l'abîme de la perdition, et vous ne vous décidez pas à lui offrir votre concours pour le délivrer des liens de l'iniquité ? Quelle impardonnable négligence? — Mais il est plus fort que moi, direz-vous.— Montrez-le moi, et j'y laisserai la vie plutôt que de permettre à ce prévaricateur l'entrée du vestibule sacré, s'il résiste et s'opiniâtre dans les mêmes sentiments. Car qu'y a-t-il de commun entre vous, chrétiens judaïsants, et la libre, la céleste Jérusalem? Vous avez choisi la terrestre, soyez esclaves avec elle; car elle est esclave avec ses enfants, selon la parole de l'Apôtre. (Gal. IV, 25.) Vous jeûnez avec les Juifs: eh bien ! donc, ôtez aussi votre chaussure avec les Juifs, allez nu-pieds, sur la place publique, et prenez part à leurs actes indécents et à leur ridicule. Mais vous n'oseriez, vous auriez honte, vous rougiriez ! Eh quoi ! vous avez honte de leurs gestes, et vous n'avez pas honte de leur impiété ! N'espérez pas que Dieu vous pardonne de n'avoir été chrétiens qu'à demi. Croyez-moi, je ferai le sacrifice de ma vie, plutôt que de négliger quelqu'un qui souffre de cette maladie, si j'en vois; mais si je n'en connais pas, Dieu ne m'imputera pas d'avoir négligé ceux que je ne connais pas.
Que chacun de vous aussi réfléchisse et qu'il ne croie pas que ce soit une chose de peu d'importance que cette responsabilité réciproque, que cette solidarité humaine. N'avez-vous pas fait attention aux paroles que le diacre prononce fréquemment et à haute voix dans les mystères : Faites connaissance les uns avec les autres; remarquez comme il vous charge d'examiner attentivement vos frères. Suivez ce conseil à l'égard die judaïsants. Quand vous connaissez quelqu'un qui judaïse, arrêtez-le, dénoncez-le, de peur que vous n'ayez part, vous aussi, au péril. Dans les camps, lorsque, parmi les soldats, on en surprend un qui favorise les Barbares, et qui partage les sentiments des Perses , ce n'est pas lui seulement qui est sous le coup d'une condamna. lion capitale, mais encore tous ceux qui ont eu connaissance du fait et qui ne l'ont pas dénoncé au général. Puisque vous êtes les soldats de Jésus-Christ, examinez donc avec soin et recherchez si quelque étranger ne s'est pas mêlé parmi vous, et dénoncez-le, non pour que nous lui donnions la mort, non pour que nous le punissions et lui infligions un supplice, mais pour que nous le délivrions de l'erreur et de l'impiété, et le rendions tout à fait nôtre. Si vous ne voulez pas, et que vous le cachiez sciemment, sachez bien que vous encourez la même peine que lui. Saint Paul aussi (Rom. I, 32), soumet à la peine et au supplice non-seulement ceux qui font le mal, mais encore ceux qui l'approuvent. Et le Prophète (Ps. XLIX, 18) assujettit au même châtiment les voleurs et leurs complices, et c'est à bon droit. Car, celui qui connaît un homme faisant le mal, et qui le cache et le couvre, donne un encouragement à sa malice, et le met en état de commettre le mal avec plus de sécurité.
