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Moïse a composé cinq, livres et n'y a écrit son nom nulle part, non plus que ceux qui ont raconté ce qui s'est passé après lui; il en est de même de Matthieu, de Jean , de Marc et de Luc; mais le bienheureux Paul place toujours le sien en tête de ses lettres. Pourquoi cela ? Parce que ces autres auteurs écrivaient pour des personnes présentes et qu'il leur était inutile de se nommer eux-mêmes ; tandis que Paul, écrivant au loin et sous forme de lettres, devait nécessairement mettre son nom. S'il ne le fait pas dans son Epître aux Hébreux, c'est à dessein et par prudence. Car comme il leur était odieux et qu'il craignait,qu'en entendant son nom ils ne se refusassent tout d'abord à l'écouter , il le supprime afin de les attirer. Mais si les prophètes et Salomon . ont écrit leurs noms, je vous laisse le soin de chercher pourquoi les uns l'ont fait et les autres non ; car ce n'est point à moi de tout vous apprendre, mais à vous de travailler et de chercher, pour ne pas devenir trop paresseux.
« Paul, serviteur de Jésus-Christ. » Pourquoi Dieu a-t-il changé son nom, en l'appelant Paul au lieu de Saul? Pour qu'en cela il ne fût point inférieur aux autres apôtres, mais qu'il jouît (192) du même privilège que le chef des disciples et fût plus intimement uni à la famille. Et ce n'est pas sans raison qu'il se nomme serviteur du Christ, car il y a bien des espèces de servitude: l'une découle de la création, comme il est dit: «Toutes choses vous servent » (Ps. CXVIII) ; et ailleurs: « Mon serviteur Nabuchodonosor (Jérémie, XXV, 9) : tout ouvrage étant au service de l'ouvrier ; une autre dérive de la foi , dont Paul dit : « Mais grâces soient rendues à Dieu de ce qu'avant été esclaves du péché , vous avez obéi du fond du coeur à ce modèle de doctrine sur lequel vous avez été formés, et de ce qu'affranchis du péché, vous êtes devenus esclaves de la justice ». (Rom. VI,17, 18) ; une autre encore tirée de la conduite, de laquelle on lit: « Moïse mon serviteur est mort » (Job, 1, 2) ; car bien que tous les Juifs fussent serviteurs de Dieu: Moïse l'était par excellence, à raison de sa conduite. Mais comme Paul était serviteur de Di, u dans tous les sens, il s'en glorifie comme d'une très-haute dignité par ces mots : «Serviteur de Jésus-Christ ». Il prononce les noms de l'incarnation , en remontant de bas en haut; car le nom de Jésus fut apporté du ciel par un ange, le jour où le Sauveur prit naissance dans le sein d'une vierge; et le mot Christ vient dé l'onction, qui appartient à la chair. Et de quelle huile, direz-vous, le Christ a-t-il été oint? D'aucune, mais bien de l'Esprit ; or l'Ecriture a coutume d'appeler Christs ceux qui ont reçu cette onction. Car le principal, dans,l'onction, c'est l'Esprit ; l'huile n'est que l'accessoire: Mais où appelle-t-on Christs ceux qui n'ont pas été oints avec l'huile ? Dans le passage où il est dit : « Ne touchez point à mes Christs, et ne maltraitez point mes prophètes». (Ps. CIV.) Car là il n'était pas question d'onction par l'huile.
« Appelé à l'apostolat ». Partout il se donne le titre d'appelé, pour témoigner sa reconnaissance et faire voir que s'il a trouvé, ce n'est point pour avoir cherché; mais parce qu'il a été appelé et qu'il a obéi. C'est aussi le nom qu'il donne aux fidèles appelés ainsi. Mais les fidèles ont été simplement appelés à la foi ; tandis qu'à lui on a confié autre chose, l'apostolat ; fonction pleine de biens sans nombre qui l'emporte sur toute les grâces et les renferme toutes. Et qu'est-il besoin de dire autre chose, sinon que ce gué le Christ a fait lui-même sur la terre, il a chargé les apôtres de le faire après son départ? C'est ce que Paul nous crie lui-même, quand il exalte en ces termes la dignité des apôtres : « Nous faisons les fonctions d'ambassadeurs pour le Christ, Dieu exhortant par notre bouche » (II Cor. V, 20), c'est-à-dire, nous remplaçons le Christ.
« Choisi pour l'Evangile de Dieu ». Du même que, dans une maison, chacun est destiné à un. emploi différent, ainsi lés divers ministères sont distribués dans l'Eglise. Ici il me semble moins désigner son lot particulier , qu'insinuer qu'il y a été appelé depuis longtemps, et d'en-haut. C'est ainsi que Jérémie affirme que Dieu a dit, en parlant de lui : « Avant que tu sortisses du sein de ta mère , je t'ai sanctifié et établi prophète parmi les « nations ». (Jér. I, 5.) Comme Paul écrivait à un peuple fier et orgueilleux, il veut prouver que l'élection vient de Dieu : c'est Dieu qui a appelé, c'est Dieu quia choisi. Son but est de rendre sa lettre digne de foi et de la faire agréer. « Pour l'Evangile de Dieu ». Matthieu et Marc ne sont donc pas les seuls évangélistes, pas plus qu'il n'est, lui-même le seul apôtre ; bien que ce nom lui soit donné par excellence, comme à ceux-là celui d'évangéliste. Il l'appelle Évangile, non-seulement à cause des biens déjà accordés, mais à cause des biens à venir. Et comment dit-il qu'il apporte la bonne nouvelle de Dieu ? Voici en effet ses paroles : « Choisi pour l'Evarngile de Dieu ». Or le Père était connu avant les Evangiles. Mais s'il était connu, ce n'était que des Juifs , et pas de tous encore, comme il l'aurait fallu: car ils ne le connaissaient point comme Père, et s'en formaient beaucoup d'idées indignes de lui : aussi le Christ disait-il : « Les vrais adorateurs viendront ; ce sont de tels adorateurs que le Père cherche ». (Jean, IV, 23.) Enfin il s'est manifesté au monde entier avec le Fils : comme le Christ lui-même l'avait prédit, en disant : « Afin qu'ils vous connaissent, vous seul vrai Dieu, et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ ». (Id. XVII, 3.) Il l'appelle Evangile de Dieu, pour exciter dès l'abord l'attention de l'auditeur. Car il ne vient pas apporter de tristes nouvelles, des injures, des accusations , des reproches, comme le prophète; mais annoncer de bonnes nouvelles, les bonnes nouvelles de Dieu, des trésors infinis de biens permanents et immuables. — « Qu'il avait promis auparavant par des prophètes dans les saintes Ecritures ». Car il est écrit: « Le Seigneur mettra la parole dans la bouche (193) de ceux qui évangélisent avec beaucoup de force ». (Ps. LXVII.) Et encore: « Qu'ils sont beaux les pieds de ceux qui, évangélisent la paix ! » (Is. LII, 7.)
