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Ad uxorem
IV
[1] Sed carnem legimus infirmam et hinc nobis adulamur impensius. Legimus tamen et spiritum firmum. Nam in uno sensu utrumque positum est. Caro terrena materia est, spiritus uero caelestis. Cur ergo ad excusationem proniores, quae in nobis infirma sunt opponimus, quae uero fortia non tuemur? Cur caelestibus terrena non cedant?
[2] Si spiritus carne fortior, quia et generosior, nostra culpa infirmiorem sectamur. Nam disiunctis a matrimonio duae species humanae imbecillitatis necessarias nuptias faciunt. Prima quidem et potentissima, quae uenit de concupiscentia carnis, sequens de concupiscentia saeculi. Sed utraque repudianda est a seruis Dei, qui et luxuriae et ambitioni renuntiamus.
[3] Carnis concupiscentia aetatis officia defendit, decoris messem requirit, gaudet de contumelia sua: dicit uirum necessarium sexui, uel auctoritatis et solatii causa, uel ut a malis rumoribus tuta sit. Et tu aduersus consilia haec eius adhibe sororum nostrarum exempla, quarum nomina penes Dominum, quae nullam formae uel aetatis occasionem, permissis maritis, sanctitati anteponunt.
[4] Malunt enim Deo nubere. Deo speciosae, Deo sunt puellae. Cum illo uiuunt, cum illo sermocinantur, illum diebus et noctibus tractant. Orationes suas uelut dotes Domino assignant, ab eodem dignationem uelut munera maritalia, quotienscumque desiderant, consequuntur. Sic aeternum sibi bonum, donum Domini, occupauerunt, ac iam in terris, non nubendo, de familia angelica deputantur.
[5] Talium exemplis feminarum ad aemulationem te continentiae exercens, spiritali affectione carnalem illam concupiscentiam humabis, temporalia et uolatica desideria formae uel aetatis immortalium bonorum compensatione delendo.
[6] Ceterum saecularis concupiscentia causas habet gloriam, cupiditatem, ambitionem, insufficientiam, per quas necessitatem nubendi subornat, uidelicet caelestia repromittens: dominari in aliena familia, alienis opibus incubare, cultum de alieno extorquere, sumptum quem non sentias, caedere.
[7] Haec procul a fidelibus, quibus nulla cura tolerandae uitae, nisi si diffidimus de promissis Dei, qui lilia agri tanta gratia uestit, qui uolatilia caeli nulla ipsorum labore pascit, qui prohibet de crastino uictu uestituque curare, spondens scire se quid cuique seruorum suorum opus sit, non quidem monilium pondera, non uestium taedia, non Gallicos mulos, nec Germanicos baiulos, quae nuptiarum gloriam accendunt, sed sufficientiam, quae modestiae et pudicitiae apta est.
[8] Praesume, oro te, nihil tibi opus esse, si Domino appareas, immo omnia habere, si habeas Dominum, cuius omnia. Caelestia recogita, et terrena despicies. Nihil uiduitati apud Deum subsignatae necessarium est quam perseuerare.
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À sa femme
IV.
Mais nous lisons que « la chair est faible, » et notre mollesse se prévaut de cet aveu. Toutefois, nous lisons aussi que « l'esprit est fort; » double oracle placé en regard l'un de l'autre pour s'éclairer mutuellement. La chair est une substance terrestre, l'esprit une substance céleste. D'où vient donc que, portés à nous excuser, nous alléguions ce qu'il y a en nous de faible, au lieu de nous appuyer sur ce que nous avons de fort? Pourquoi la substance de la terre ne se soumet-elle pas à la substance du ciel? Si l'esprit est plus fort que la chair, parce qu'il est de plus noble origine, n'accusons que noire lâcheté qui cède l'empire à la plus faible. Deux espèces de faiblesses humaines rendent les secondes noces nécessaires à celles dont la première union a été brisée. La première et la plus puissante vient de la concupiscence de la chair; la seconde naît de la concupiscence du siècle. Mais nous devons répudier l'une et l'autre, parce que nous sommes les serviteurs de Dieu, et que nous renonçons à l'ambition et aux voluptés du siècle. La concupiscence de la chair met en avant les obligations de l'âge, recherche la moisson de la beauté, se repaît avec orgueil de ce qui est son outrage; un mari, dit-elle, est nécessaire à une femme, pour la guider, la consoler et la protéger contre les mauvaises rumeurs.
Vous, ma bien-aimée, à ces conseils de la concupiscence répondez par l'exemple de nos sœurs dont les noms sont enrôlés dans la milice du Seigneur, et qui, après avoir envoyé devant elles leurs époux, immolent à la pudeur les séductions de la beauté ou de la jeunesse. Elles aiment mieux devenir les épouses de Dieu: toujours belles, toujours vierges pour Dieu, elles vivent avec lui, elles s'entretiennent avec lui, elles ne le quittent ni le jour, ni la nuit, elles lui apportent en dot leurs oraisons, et en échange de cette sainte alliance, elles reçoivent de lui, toutes les fois qu'elles le désirent, le douaire de sa faveur et de sa miséricorde. C'est ainsi qu'elles possèdent d'avance le don éternel du Seigneur, et qu'épouses de Dieu ici-bas, elles sont déjà inscrites dans la famille des anges. Voilà sur quelles traces vous exerçant à l'apprentissage de la continence, vous ensevelirez dans la tombe d'une affection spirituelle la concupiscence de la chair, en substituant les récompenses éternelles aux sollicitations temporelles et fugitives de la beauté ou de l'âge.
D'un autre côté, la concupiscence du siècle prend sa source dans la vaine gloire, la cupidité, l'ambition et le prétexte d'une fortune insuffisante, qu'elle transforme en autant de nécessités de se marier. Dominer dans une famille étrangère, s'établir dans une opulence qui n'est pas à soi, arracher à autrui les frais de son luxe, et prodiguer follement des trésors qui ne lui coûtent rien, voilà les biens célestes que la concupiscence promet. Ah! loin des fidèles ces pensées, puisqu'ils ne doivent pas s'inquiéter comment ils vivront, à moins de se défier des promesses du Seigneur, « qui revêt de tant de grâce le lis des champs, qui nourrit l'oiseau du ciel sans qu'il travaille, qui nous défend de nous mettre en peine de la nourriture ou du vêtement pour le jour de demain, et nous affirme avec serment qu'il n'ignore aucun des besoins de ses serviteurs. » Il ne leur donne pas, il est vrai, de lourds colliers d'or, des vêtements aussi somptueux qu'embarrassants, un peuple d'esclaves gaulois, des porteurs germains, ni toute cette pompe qui allume dans le cœur d'une jeune fille le désir de se marier; il leur fournit seulement le nécessaire; c'est assez pour la décence et la modération. Persuadez-vous bien, je vous en conjure, que rien ne vous manquera si vous servez le Seigneur. Je me trompe, vous possédez tout en possédant le Seigneur auquel appartiennent toutes choses. Songez aux biens célestes; vous regarderez avec mépris ceux de la terre. La veuve qui s'est engagée au service de Dieu ne connaît plus d'autre nécessité que la persévérance.