4.
Au flambeau de la raison, cherchons donc quelle doit être la vie de l'homme. Sans nul doute nous aspirons tous au bonheur et il n'est personne au monde qui n'admette ce principe avant même qu'il soit énoncé. Or, à mon avis, on ne peut appeler, heureux, ni celui qui n'a pas ce qu'il aime, quel que soit d'ailleurs l'objet de son amour; ni celui qui a ce qu'il aime, si ce qu'il aime lui est nuisible; ni celui qui n'aime pas ce qu'il a, lors même que ce serait un bien excellent. En effet désirer ce que l'on ne peut obtenir, c'est être tourmenté; c'est être trompé que d'obtenir ce que l'on ne devait pas désirer, et c'est être malade que de ne pas désirer ce que l'on doit obtenir. Rien de tout cela ne peut survenir sans produire la souffrance. La misère et la béatitude n'ont pas coutume d'habiter simultanément dans un seul homme; dès lors aucun de ceux-là n'est heureux. Reste donc un quatrième état, seul compatible avec le bonheur; il consiste à aimer et à posséder ce qui est le plus excellent pour l'homme. Jouir en effet, n'est-ce pas avoir à. sa disposition ce que l'on aime? Peut-on être heureux si l'on ne jouit pas de ce qui pour l'homme est le bien par excellence? et peut-on ne pas l'être si l'on en jouit? Concluons dès lors que si nous aspirons à vivre heureux, nous devons pouvoir posséder notre souverain bien.
