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En ce temps-là, les différentes sectes s'agitaient dans l'étude avec une ardeur si vive qu'on devait uniquement redouter que le faux ne fût autorisé. Chacun, chassé à coups d’arguments du point où il se croyait le plus expugnable, se mettait à chercher autre chose, avec d'autant plus de force et de prudence que l’application à la science des mœurs était plus grande et que la vérité et ses profondeurs obscures paraissaient se cacher dans la nature des choses et dans la nature même de l’esprit. Aujourd’hui, qu’on aime si peu le travail et les nobles études, si on entend dire que des philosophes
très-subtils aient jugé impossible de rien connaître, les intelligences se laissent aller et se ferment éternellement. On n'osera pas se croire plus pénétrant que ces philosophes, ni se vanter d'avoir trouvé ce qui a échappé à la grande étude, au. génie, aux loisirs, au savoir vaste et varié de Carnéade pendant une longue vie. Si ces esprits paresseux se décident, par un effort, à lire les ouvrages qui semblent refuser à la nature humaine la faculté de connaître la vérité, ils retombent aussitôt dans un assoupissement si profond que la trompette céleste ne peut les éveiller.
