CHAPITRE PREMIER. EN DEHORS DE TOUTE CAUSE DE FORNICATION, ESTIL PERMIS A UNE FEMME DE SE SÉPARER DE SON MARI, POUR VIVRE DANS LA CONTINENCE.
1. Pollentius, mon frère bien-aimé, la première question que vous avez comme traitée dans votre lettre, tout en me consultant, a pour objet ces paroles de l'Apôtre : « Quant à ceux qui sont engagés dans le mariage, j'ordonne, non pas moi, mais le Seigneur, à la femme de ne point se séparer de son mari ; si elle s'en sépare, qu'elle vive dans la continence ou quelle se réconcilie avec son époux, et que l'homme ne se sépare point de sa femme1. Doit-on interpréter ces paroles en ce sens que le mariage soit interdit à toute femme qui se sépare, sans que son mari puisse être convaincu de fornication? Vous répondez affirmativement. Quant à moi, dans mes Commentaires du Sermon sur la montagne , tel que le rapporte saint Mathieu, j'ai soutenu que cette défense d'un second mariage a été prononcée contre toute femme qui se sépare légitimement de son mari, c'est-à-dire pour cause de fornication. Vous dites que si une femme, sans y être forcée par la fornication de son mari, se sépare de lui, elle doit s'interdire un second mariage. Vous oubliez donc que si son mari ne se rend coupable d'aucune fornication, il est interdit absolument à cette femme de se séparer, et non-seulement de garder la continence; car lorsqu'il est prescrit à celle qui se sépare de rester dans la continence, ce n'est pas le pouvoir de se séparer qu'on ni enlève, mais celui de contracter au nouveau mariage.
D'après vos principes, les femmes à qui il plairait de vivre dans la continence pourraient se passer du consentement de leurs époux, sans tenir aucun compte du «précepte imposé à la femme de ne point se séparer de son mari »; puisqu'elles pourraient non pas adopter la continence, mais se permettre un divorce qui les laisserait libres de contracter un nouveau mariage ? Qu'il arrive à une femme de prendre en dégoût le mariage et ses suites, il lui sera donc permis de se séparer de son mari sans avoir à alléguer pour motif la fornication, pourvu que, selon le précepte de l'Apôtre, elle reste dans la continence ? De leur côté, car leur sort ne peut pas être différent, les hommes, s'il leur plaît de se livrer à la continence , pourront quitter leur femme sans avoir obtenu leur consentement , pourvu qu'ils ne contractent pas un nouveau mariage ? Si ce divorce avait pour cause la fornication, voles soutenez qu'on pourrait contracter un nouveau mariage. Quand cette cause n'existe pas, il faut, selon vous, ou rie pas se séparer, ou rester dans la continence, si l'on se sépare, ou renouer le premier mariage. Donc , quand il n'existe pas de fornication, chaque époux peut choisir entre ces trois partis différents : ou bien ne pas se séparer, ou bien si l'on se sépare rester dans la continence, ou bien se réconcilier avec son premier époux , sans en chercher un autre ?
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I Cor. VII, 10, 11. ↩
