CHAPITRE III. SAINT PAUL FAIT UN PRÉCEPTE DU TRAVAIL CORPOREL.
4. Ainsi, nous avons à démontrer tout d'abord que saint Paul a prescrit aux serviteurs de Dieu les travaux corporels, que devrait d'ailleurs couronner un jour une grande récompense spirituelle; et que, d'après son intention, loin d'avoir besoin de personne pour vivre et pour se vêtir, ils doivent se procurer le nécessaire par leurs propres mains. Nous avons à faire voir ensuite que les préceptes de l'Evangile à l'ombre desquels plusieurs voudraient couvrir, non-seulement leur paresse, mais leur orgueil, ne sont pas contraires au commandement ni à l'exemple de l'Apôtre.
Examinons donc, d'abord, par quelle suite d'idées l'Apôtre est arrivé à cette maxime « Qui ne veut pas travailler ne doit pas manger »; voyons ensuite comment il continue à raisonner, après l'avoir écrite, afin que cette lecture des antécédents et des conséquents, nous accuse bien clairement sa pensée.
« Nous vous ordonnons, mes frères, au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de vous retirer d'avec tous ceux d'entre vos frères qui se conduisent d'une manière déréglée, et non selon la tradition qu'ils ont reçue de nous. Car vous savez vous-mêmes ce qu'il faut faire pour nous imiter, puisqu'il n'y a rien eu de déréglé dans la manière dont nous avons vécu parmi vous. Nous n'avons mangé gratuitement le pain de personne; mais nous avons travaillé jour et nuit avec peine et fatigue, pour n'être à charge à aucun de vous. Ce n'est pas que nous n'en eussions le pouvoir; mais c'est que nous avons voulu nous donner nous-mêmes pour modèle, afin que vous nous imitiez. Aussi, lorsque nous étions avec vous, nous vous déclarions que celui qui ne veut point travailler, ne doit point manger. Car nous apprenons qu'il y en a parmi vous qui se conduisent d'une manière déréglée, qui ne travaillent point, qui agissent en curieux. Or, nous ordonnons à ces personnes, et nous les conjurons par Notre-Seigneur Jésus-Christ, de manger leur pain en travaillant en silence1 ».
Que répondre à ces paroles, surtout que pour ne laisser à personne le droit de les interpréter arbitrairement, et non comme une loi de charité, l'Apôtre a montré par son exemple le sens de son précepte ? En effet , comme l'Apôtre prédicateur de l'Evangile , comme ministre de Jésus-Christ, planteur de sa vigne, pasteur de son troupeau, il tenait du Seigneur même le droit de vivre de l'Evangile ; et cependant, pour s'offrir comme modèle à ceux qui voulaient exiger un salaire non dû, il n'a pas exigé le salaire qui lui était dû. Ecoutez ce qu'il dit aux Corinthiens : « Qui fait jamais la guerre à ses dépens ? Qui plante une vigne, sans en manger le fruit? Qui mène paître un troupeau , sans en recueillir le lait2 ? » — Ainsi, il ne voulut pas recevoir ce qu'on lui devait, afin de réprimer, par son exemple, ceux qui, sans avoir un rang pareil dans l'Eglise, prétendraient avoir droit à pareille créance. N'est-ce pas bien ce qu'il dit ? « Et nous n'avons mangé gratuitement le pain de personne; mais nous avons travaillé jour et nuit avec peine et fatigue, pour n'être à charge à aucun de vous. Ce n'est pas que nous n'en eussions pas le pouvoir; mais c'est que nous avons voulu nous donner nous-même pour modèle, afin que vous nous imitiez ».
Qu'ils entendent donc ces paroles, ceux que le précepte de l'Apôtre regarde; c'est-à-dire, ceux qui n'ont certes point la puissance qu'il avait, mais qui voudraient, se bornant aux couvres spirituelles, manger leur pain sans l'acheter par le travail corporel ! Et puisque saint Paul prononce : « Nous leur ordonnons et nous les conjurons, en Jésus-Christ, de manger leur pain en travaillant, et en silence », qu'ils se gardent de disputer contre le plus évident des textes apostoliques; c'est une partie du silence qu'ils doivent observer en mangeant le pain du travail.
