4.
Tu sais bien que c'est en blâmant la foi catholique ,,et surtout en dénaturant et en torturant l'Ancien Testament, que les Manichéens troublent l'esprit des ignorants. Ceux-ci assurément ne savent pas jusqu'à quel point le contenu de ces livres est acceptable, et comment la nourriture qu'on y puise, peut descendre utilement dans la profondeur de nos âmes, pour ainsi dire encore vagissantes. Et comme il y a là certains passages de nature à blesser les esprits ignorants et peu attentifs, et le nombre en est immense, ces passages prêtent, à des accusations que la foule accueille, tandis qu'en raison des mystères qui y sont contenus, il est fort rare que cette même foule en accepte la justification. Or, ceux qui, en petit nombre, sont capables de faire cette apologie, n'aiment guère les discussions animées et retentissantes d'une joute en public ; aussi sont-ils fort peu connus, si ce n'est des personnes empressées à les consulter.
Au sujet de cette témérité des Manichéens à blâmer l'Ancien Testament et la foi catholique, voici quel est mon sentiment. Je désire et j'espère te voir accueillir mes paroles avec le même esprit qui me les fait prononcer. Dieu, qui lit dans les profondeurs de ma conscience, sait que , dans cet entretien , je n'apporte aucune intention mauvaise, mais que je dis les choses comme je crois qu'on doit les entendre pour prouver la vérité, à laquelle seule j'ai résolu depuis longtemps de consacrer ma vie, et qui fait mon unique préoccupation. Qu'il ne soit pas dit qu'après m'être égaré si facilement avec vous, je ne puisse au contraire tenir avec vous le droit chemin que bien difficilement, pour ne rien dire de pis. Mais je compte que, dans mon espoir de vous voir marcher avec moi au chemin de la sagesse, Celui auquel j'ai été consacré ne m'abandonnera pas. Nuit et jour je m'efforce de le contempler ; et comme par suite de mes fautes, par l'effet prolongé de mes vieilles erreurs, je sens que mon intelligence est émoussée, comme je me connais faible, souvent je le prie avec larmes. Quand on a été longtemps dans l'obscurité et les ténèbres, les yeux s'ouvrent avec peine, et tout en désirant la lumière, ils s'en détournent en tremblant et la repoussent, surtout si c'est le soleil qu'on cherche à leur montrer. C'est là mon image je ne nie plus qu'il y a pour l'âme un bien ineffable et suprême que l'intelligence perçoit, et j'avoue en pleurant et en gémissant que je suis encore impuissant à le contempler. Dieu donc ne m'abandonnera pas, si je suis sincère, si je prends la charité pour guide, si j'aime la vérité, si je chéris l'amitié, si je tremble de t'induire en erreur.
