I.
Usant des forces que le Seigneur m'accorde, je n'ai jamais hésité, dans toutes les circonstances, soit par écrit, soit de vive voix, à engager contre les Donatistes une polémique de sérieuse réfutation. Or, voici que me tombe sous la main une lettre qu'un de leurs anciens évêques, Parménien, adresse à Tichonius, dont on admire la vive intelligence et la richesse du langage, tout en regrettant qu'il fût donatiste. Il est vrai qu'il protestait de toutes ses forces contre cette inculpation, mais son adversaire le contraignit, sur ce point, à un aveu complet. Quant à la lettre dont je parle, les catholiques me prièrent, m'enjoignirent en quelque serte d'en entreprendre la réfutation, surtout à cause des fausses interprétations que Parménien donnait à certains passages de l'Ecriture. Tichonius, accablé sous le poids de toutes ces citations des livres saints, ouvrit enfin les yeux, et reconnut que l'Eglise de Dieu était réellement répandue sur toute la terre, comme les Prophètes l'avaient unanimement annoncé. Fort de cette conviction, il entreprit de prouver, contre ses coréligionnaires, que les crimes les plus horribles, commis par un homme quel qu'il fût, ne sauraient prescrire contre les promesses divines. Il montra également que l'impiété de tels ou tels membres de l'Eglise ne peut ébranler la croyance surnaturelle et divine à la diffusion future de cette Eglise, dans toutes les parties de la terre, comme l'ont cru et annoncé nos pères. Cette thèse fut soutenue avec énergie et éloquence par Tichonius; et appuyé sur les passages de l’Ecriture les plus imposants et les plus manifestes, il réduisit ses contradicteurs à un honteux silence. Mais ce qu'il ne comprit pas et ce qu'il aurait dû comprendre, c'est que les chrétiens d'Afrique appartiennent à cette Eglise répandue sur toute la terre, car ils ne sont pas séparés de l'unité de communion avec l'univers tout entier, avec lequel ils ne forment, au contraire, qu'une seule et même société. De son côté, Parménien et les autres Donatistes comprirent que cette conséquence découlait rigoureusement des principes; mais ils prirent le parti de s'obstiner aveuglément contre l'évidence des principes de Tichonius, plutôt que de se reconnaître vaincus par les Eglises d'Afrique, trop heureuses de faire partie de cette unité que célébrait Tichonius et dont ils s'étaient honteusement séparés. Parménien crut d'abord qu'il lui suffirait d'une lettre pour corriger cet esprit rebelle; mais plus tard il le fit condamner par un de leurs conciles. C'est cette lettre de Parménien, dans laquelle il reproche à Tichonius de soutenir que l'Eglise est répandue sur toute la terre, et l'avertit d'avoir à changer de langage, c'est cette lettre, dis-je, que j'entreprends de réfuter dans le présent ouvrage.
