CHAPITRE PREMIER. OBJET ET OCCASION DE CET OUVRAGE.
1. Vous savez que souvent nous avons voulu donner toute la publicité possible à l'erreur sacrilège des Donatistes hérétiques, et la réfuter plus encore par leur propre témoignage que par le nôtre. C'est dans ce but qu'il nous est parfois arrivé d'adresser à leurs évêques des lettres qui, sans être injurieuses, n'étaient pourtant pas de celles que l'on s'écrit entre évêques de la même communion, car, en se séparant de l'Eglise catholique, ils s'étaient rendus indignes d'en recevoir de semblables; et pourtant, je puis dire qu'elles étaient purement inspirées par l'amour de la paix. Nous voulions les amener à discuter avec nous les raisons qui les avaient déterminés à rompre toute communion avec l'univers entier; nous espérions les convertir en leur montrant la vérité. Nous étions donc bien éloigné de croire qu'ils mettraient une folle obstination à défendre la coupable perversité de leurs ancêtres; les ramener à la racine catholique pour leur faire produire en abondance les fruits de la charité, tel était notre seul désir.
Mais elle n'est que trop vraie, cette parole de l'Ecriture : « Ils haïssaient la paix, alors même qu'à leur égard je me montrais pacifique1 » ; aussi les vit-on mépriser mes lettres, comme ils haïssaient la paix à laquelle je les conviais instamment. Me trouvant donc de passage à Constantine, en présence d'Absentius et de Fortunat, évêque de cette ville, nos frères me présentèrent une lettre que Pétilien aurait adressée à ses prêtres schismatiques; c'est du moins ce qu'indiquait la suscription de cette lettre. En lisant cette pièce, je fus tout étonné de voir que, dès les premières lignes, il détruisait par sa base le monstrueux édifice du schisme auquel il appartient, et je me refusais à croire que cette lettre fût l'oeuvre d'un évêque dont la renommée faisait grand bruit, et qui tenait le premier rang parmi les siens par sa doctrine et par son éloquence. Mais j'avais pour témoins de cette lecture des hommes qui connaissaient parfaitement le génie et le style de Pétilien, et qui m'affirmèrent en toute certitude que cette pièce était bien l'oeuvre de celui dont elle portait la signature. De mon côté, et quel qu'en fut l'auteur, je résolus de réfuter cette lettre pour ne pas laisser à son auteur la satisfaction de croire qu'il avait pu ébranler les convictions des simples au sujet de l'Eglise catholique.
2. Dès le début de sa lettre, il nous reproche « de faire grand bruit contre eux d'un double baptême, nous qui, par un bain criminel, souillons nos âmes sous prétexte de les baptiser ». Mais pourquoi relever toutes les injures qu'il lui plaît de lancer contre nous? Autre chose est de formuler une doctrine, autre chose est de repousser des outrages; qu'il nous suffise donc d'étudier les arguments sur lesquels il s'appuie pour (192) prouver que nous n'avons pas le baptême, et qu'en réitérant le baptême, il ne donne pas une seconde fois ce qui existait, mais il donne ce qui n'existait pas. Il s'écrie : « Il faut voir la conscience de celui qui baptise pour juger s'il peut purifier la conscience de celui qui est baptisé ». Et si la conscience du ministre restait cachée et que par hasard elle fût souillée? Comment alors pourrait-il purifier la conscience du sujet, d'après ce principe « C'est d'après la conscience de celui qui baptise que l'on doit juger s'il peut purifier la conscience de celui qui est baptisé? » S'il disait que le sujet n'a pas à répondre des fautes secrètes du ministre, cette ignorance suffirait pour que la conscience du sujet ne fût pas souillée par les crimes du ministre. Pour le moment donc, qu'il nous suffise de savoir que le sujet ne saurait être souillé par les crimes du ministre, quand ces crimes lui sont parfaitement inconnus ; mais enfin, cette conscience coupable peut-elle donc purifier?
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CXIX, 7. ↩
