3.
Non, ce n'est point dans nos paroles que nous chercherons l'Eglise de Jésus-Christ; et cependant, examinez ce qui s'est dit de part et d'autre, et voyez combien notre langage diffère de celui de nos adversaires. Néanmoins ce n'est pas là que nous voulons chercher l'Eglise. Qu'importent, en effet, ces mutuels reproches que nous nous adressons sur la tradition des Livres saints, sur l'encens offert aux idoles, sur les persécutions dirigées contre des innocents? Et pourtant que disons-nous aux Donatistes ? Ou bien nous avons également raison de nous accuser, ou bien nous avons également tort ; ou bien c'est nous qui avons raison et c'est vous qui avez tort, ou réciproquement. Mais en toute hypothèse, que pouvez-vous reprocher à l'univers chrétien, avec lequel nous sommes en communion? Et en effet, si leurs reproches sont fondés et que les nôtres le soient aussi, suivons le précepte de l'Apôtre : «Pardonnons-nous mutuellement, comme Dieu nous a pardonné en Jésus-Christ1 ». S'il y eut et s'il y a encore parmi nous quelques pervers, s'il y en eut et s'il s'en trouve encore parmi eux, est-ce un obstacle à la concorde, et faut-il pour cela rompre le lien de la paix? Les Donatistes qui avaient parmi eux des méchants aussi bien que nous, ne doivent-ils pas regretter le crime qu'ils ont commis en se séparant sans motif de l'unité du monde chrétien? Si les reproches que nous nous renvoyons au sujet des traditeurs ou des persécutions dirigées contre des innocents sont également peu fondées, je ne vois plus aucun motif de dispute; j'y vois au contraire une raison pour eux de se rapprocher de nous, après s'en être séparés sans aucun motif. Si le bon droit est de notre côté, comme le prouve la lettre de l'empereur auquel ils ont écrit d'abord et auquel ils en ont ensuite appelé; comme nous le faisons voir encore en restant en communion avec tout l'univers; si leurs assertions sont convaincues de mensonge; par là même qu'au moment où s'agitait la question ils n'ont pu gagner leur cause, n'y a-t-il pas là plus qu'un schisme? N'est-ce pas une animosité sacrilège et furieuse, une persécution intentée à des innocents? Cette animosité, qu'ils la rejettent, s'ils le veulent, sur quelques-uns des leurs : le schisme est l'oeuvre commune. Et, fussent-ils dans le vrai, quand ils nous accusent d'avoir livré les livres saints et d'avoir persécuté les innocents, fussent-ils eux-mêmes à l'abri d'une pareille accusation, en seraient-ils moins des schismatiques? Leurs reproches, en effet, s'adressent à des particuliers et non pas à l'univers chrétien. Le contact avec les méchants, disent-ils, a perdu l'univers. — Que de pécheurs les saints, par désir de la paix, n'ont-ils point tolérés dans la société chrétienne ! Et puis, comment se fait-il que le contact avec les méchants n'ait point perdu les Donatistes eux-mêmes? Leur société n'a-t-elle point caché, sans qu'ils l'aient su, ne cache-t-elle pas encore, sans qu'ils le sachent, de ces misérables qui attentent à la pudeur des femmes consacrées à Dieu? Nous ne les connaissons pas, diront-ils, et cela suffit pour que leur contact ne nous souille point. Et l'univers serait souillé quand il ignore encore si vos reproches sont fondés? Je suppose qu'ils le soient, que vous nous l'ayez prouvé. Les autres nations de l'univers le savent-elles ? Puisqu'elles l'ignorent, elles sont innocentes; et vous vous en séparez ! On ne peut vous en faire un reproche, dites-vous, et l'ignorance où nous laissons les peuples commence notre crime ! Faut-il donc que nous courions les avertir et leur apprendre ce que nous savons? Mais à quoi bon? Est-ce pour les sortir du péché? Mais ils sont innocents, puisqu'ils ignorent le mal qui s'est fait parmi nous. Pour demeurer juste, il n'est pas nécessaire de connaître les fautes que commettent les hommes; il faut, quand on les connaît, ne pas y applaudir, et quand on les ignore, ne pas juger témérairement. Ainsi donc l'univers est innocent, puisque, quelque fondés que puissent être les griefs des Donatistes contre certains particuliers, il ne les connaît point. Ce sont eux qui ont perdu la justice, en se séparant par le schisme des autres peuples chrétiens; et, s'ils tiennent à nous persuader de la légitimité de leurs accusations contre quelques-uns des nôtres, c'est afin de nous séparer de ceux contre lesquels ils ne peuvent rien alléguer de plausible.
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Eph. IV, 32. ↩
