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En effet, il se pouvait que l'homme vécût plus longtemps dans ce corps animal, et qu'il n'eût point à craindre toutefois le poids de la vieillesse, et ces lents progrès de l'âge qui l'auraient conduit à la mort. Le Dieu des Israélites n'a-t-il pas accordé à leurs vêtements mêmes et à leurs chaussures le privilège de ne point s'user pendant les années de leur long pèlerinage dans le désert1 ? Serait-ce donc chose étonnante que l'obéissance de l'homme lui eût valu, de par cette même souveraine Puissance, une faveur analogue, celle de porter un corps animal et mortel, mais doué cependant d'une certaine stabilité qui l'empêchât de défaillir en dépit du nombre des ans, et le fît arriver de l'état mortel à l'immortalité, au temps marqué de Dieu et sans l'intermédiaire de la mort? — En effet, nul ne dira que notre chair, telle que nous la portons à présent, ne puisse être blessée, en donnant pour raison qu'il n'est pas nécessaire qu'on la blesse : de même on ne pourrait prétendre que la chair du premier homme fût immortelle, par la raison qu'il n'était point nécessaire qu'elle mourût. — Et telle est, je pense, la condition où Dieu a voulu placer ceux mêmes qu'il a transportés hors de ce monde sans leur faire subir la mort, mais en leur conservant toutefois leur corps animal et mortel. Non; Enoch et Elie ne sont pas usés par une vieillesse décrépite, malgré leur vie si prolongée ; et cependant, je ne crois pas qu'un changement semblable à celui que nous promet la résurrection, et dont Notre-Seigneur Jésus-Christ nous a donné le premier exemple, ait déjà spiritualisé leur chair, sauf en un point peut-être, c'est qu'ils n'auraient plus actuellement besoin de cette nourriture, que nous consommons pour entretenir nos forces. Depuis leur enlèvement, au contraire, ils vivraient sans éprouver la faim, comme Elie vécut quarante jours, sans nourriture, par l'efficacité d'un simple verre d'eau et d'un seul pain2; ou, s'ils ont encore besoin de ces aliments qui soutiennent la vie, peut-être trouvent-ils leur nourriture dans le Paradis, comme Adam la trouvait avant de mériter par son péché d'en être chassé. Car, autant que je puis le conjecturer, les arbres, en général, offraient à notre premier père de quoi réparer les défaillances ordinaires; et l'arbre de vie, en particulier, lui communiquait un état de stabilité qui le préservait de la vieillesse.
