4.
L'Apôtre dit ensuite : « Mais chacun a son don particulier, selon qu'il le reçoit de Dieu, l'un d'une manière et l'autre d'une autre. » En expliquant ce passage j'ai ajouté : « Il est aisé de voir, dit l'Apôtre, ce que je souhaite; mais, comme Dieu répand sur tous les fidèles des grâces différentes, je ne trouve pas mauvais qu'on se marie, de peur qu'on ne s'imagine que je condamne la nature de l'homme comme quelque chose de mauvais. Remarquez ici qu'il y a bien de la différence entre le don de la virginité et celui du mariage; car si Dieu destinait une même récompense aux vierges et aux personnes mariées, l'apôtre saint Paul, après avoir conseillé de garder la continence, n'aurait pas dit: « Mais chacun a son don particulier, selon qu'il le reçoit de Dieu, l'un d'une manière et l’autre d'une autre. » Si chacun a son don particulier, il faut nécessairement que ces dons soient différents. J'avoue que le mariage est un don de Dieu, mais il y a une grande différence entre don et don. C'est pourquoi saint Paul, parlant aux Corinthiens d'un incestueux qui faisait pénitence de son péché, leur dit : « Vous devez plutôt le traiter avec indulgence et le consoler; » et plus bas : « Ce que vous accordez à quelqu'un par indulgence je l'accorde aussi; » et, de peur qu'on ne fasse pas assez de cas des grâces d'un homme, il ajoute: « Car si j'use moi-même d'indulgence j'en use à cause de vous, au nom et en la personne de Jésus-Christ. » Les dons que fait Jésus-Christ ne sont pas d'une même espèce: Joseph, qui était la figure du Sauveur, avait une robe de différentes couleurs; le roi-prophète dit aussi au psaume quarante-quatrième : « La reine s'est tenue debout à votre droite, revêtue d'un habit d'or et brillante de divers ornements; » l'apôtre saint Pierre dit encore : « Comme étant les dispensateurs des différentes grâces de Dieu; » ce que le texte grec exprime d'une manière encore plus forte et plus énergique par le mot poikiles, qui veut dire : divers.
Quelle prévention , je vous prie, et quel prodigieux entêtement de ne vouloir pas ouvrir les yeux à la lumière la plus vive et la plus éclatante! J'ai dit qu'il y avait dans l'Église plusieurs sortes de grâces; que le don de la virginité était différent de celui du mariage; j'ai ajouté un peu après que le mariage était un don de Dieu, mais qu'il y avait une différence entre don et don : comment donc peut-on m'accuser de condamner ce que je confesse hautement être un don de Dieu? Que si Joseph est la figure du Sauveur, cette robe de différentes couleurs dont il était revêtu nous représente aussi les différents états des vierges, des veuves, de ceux qui vivent dans la continence ou qui sont engagés dans le mariage : puis-je donc avoir regardé comme des profanes ceux qui composent la robe du Seigneur, surtout après avoir dit que cette reine dont parle le prophète, c'est-à-dire l'église de Jésus-Christ, qui est revêtue d'un habit d'or, est brillante de divers ornements?
