3.
Mais comme chacun a ses passions, comme l'ami n'est pas maître de la volonté de sou ami, comme je désapprouve une accusation même justement méritée, de même je ne puis soupçonner que vos écrits aient été falsifiés par un homme d'une sainteté reconnue. Et, en vérité, quels changements un homme qui ne connaît que le latin, peut-il faire dans la langue grecque? Peut-on ajouter ou retrancher un seul mot à des écrits où les phrases sont tellement enchaînées que l'une dépend de l'autre , où le moindre changement est aussi apparent qu'une pièce sur un manteau? Faites vous-même ce que vous me recommandez de faire. Comportez-vous au moins avec un peu de la retenue d'un homme sinon d'un chrétien. Croyez-vous donc qu'après avoir méprisé et étouffé la voix de voire conscience , vous pourrez vous justifier par de vaines paroles, vous que les faits accablent? Si Eusèbe a acheté au poids de l'or vos écrits encore imparfaits, pour les falsifier, présentez ceux qui n'ont pas été altérés, et si vous parvenez à me prouver qu'ils ne contiennent rien d'hérétique, alors il sera coupable du faux. Tout ce que vous changerez , tout ce que vous corrigerez, ne pourra jamais me prouver que vous êtes vrai catholique. Si l'erreur ne s'était glissée que dans des mots ou dans quelques passages, on pourrait la faire disparaître ; mais lorsque partout se trouve la même proposition, lorsque vous dites que les créatures raisonnables qui se sont perdues par leur propre faute doivent se retrouver toutes dans le même état pour rencontrer ensuite de nouveaux écueils, que pouvez-vous corriger? Vous avez tout à détruire! Si vous suivez mes conseils, vous ne critiquerez plus les ouvrages des autres ; car vous aurez assez de vous occuper des vôtres. Je ne puis comprendre votre raisonnement de quelque manière que ce soit; vous prétendez que c'est parce que vos écrits étaient imparfaits, et que vous n'y aviez pas mis la dernière main, qu'Eusèbe a pu les altérer avec plus de facilité. Ou je suis peu intelligent, ou votre raisonnement est entièrement absurde et stupide. Si vos écrits n'étaient pas encore corrigés ni même achevés, ce n'est point Eusèbe qui est coupable, mais vous seul par vos retards et votre lenteur,vous qui avez négligé de les revoir.
