6.
Pardonnez-moi d'avoir vanté le talent et le style d'Origène dans ma jeunesse, et lorsque je ne connaissais pas encore son hérésie, et moi je vous pardonnerai d'avoir fait dans votre vieillesse l'éloge de ses écrits. Vous avouez que vous avez reçu mes ouvrages deux jours avant l’arrivée de ma lettre, et que c'est à cause de cela que vous n'avez pas eu le temps de me répondre. Vous dites d'ailleurs que si vous aviez pris vos dispositions et vous vous étiez préparé au combat, vous auriez paru non faire de simples reproches, mais lancer la foudre. Mais qui vous croira, homme sincère ? vous êtes comme le marchand d'Orient qui vend les marchandises qu'il a apportées et en achète d'autres pour retourner dans sa patrie, sans rester plus de deux jours à Aquilée. Qui vous a forcé de répondre si précipitamment à ma lettre ? Etes-vous plus éloquent lorsque vous polissez vos ouvrages pendant trois ans entiers , et qu'il n'est personne pour corriger vos bévues? Est-ce votre précipitation qui fait que votre discours, bien éloigné des règles que Pillas a tracées, ressemble à une mer embarrassée d'écueils? Votre mensonge est si évident que non-seulement je soutiens que vous n'avez pu me répondre en deux jours, mais que même il vous a été impossible de lire ma lettre en deux jours. De là il résulte ou que cette lettre a été écrite en plusieurs jours comme l'élégance du style le prouve, ou que vous êtes bien négligent, si votre style est diffus, puisqu'il serait pire avec le travail qu'avec l'improvisation.
Pourquoi hésitez-vous et prétendez-vous que vous avez traduit du grec, ce que moi j'avais rapporté avant vous dans un discours latin? Je ne comprends guère ce que vous voulez dire par là, à moins que vous n'accusiez encore mes commentaires sur l'Epitre aux Ephésiens ; et dans la croyance que je ne puis vous répondre à ce sujet, vous ne craignez pas de mettre le comble à votre impudence et tel est votre aveuglement, que vous fermez les oreilles à la voix de la persuasion. Dans mes commentaires, j'ai expliqué aux uns et aux autres mes opinions et celles des divers auteurs, exposant sans détour les pensées de l'hérésie et de la vraie foi. Or tel est vraiment l'usage des commentateurs et la marche que l'on doit adopter pour exposer les divers systèmes et expliquer ce qui nous parait vrai à nous et aux autres. Cette méthode a été adoptée non-seulement par les interprètes des saintes Ecritures, mais encore par les explicateurs des sciences profanes , tant grecques que latines. Dans votre discours sur le livre de l'Origine, vous ne pouvez agir de la même manière: c'est bien prouvé par votre préface, dans laquelle vous promettez que vous repousserez les erreurs, et que, de tout ce qui a été dit par les hérétiques, vous ne recevrez que le meilleur. De cette manière, tout le bien ou le mal que vous pouvez dire ne peut être imputé à l'auteur dont vous êtes l'organe, mais à vous seul qui interprétez. Vous énumérez aussi les crimes d'Origène; mais comme à ce sujet vous nous renvoyez à vos écrits, nous vous avons répondu avant même d'en avoir fait lecture.
