V.
Lorsque Dieu forma les corps des animaux, il ne voulut pas les faire en rond, de sorte qu'ils pussent se tourner et se rouler de tous côtés; mais il tira en quelque sorte la tête et la fit comme avancer au haut du reste du corps. Il étendit aussi les jambes et les pieds, afin que, se remuant tour à tour, ils portassent le corps an lieu où l'attirerait son désir et la nécessité de chercher des vivres. Outre ces deux membres qui s'étendent par derrière, il y en a deux autres qui s'avancent par devant et qui tiennent à la tête et au cou, et ont différents usages. Car dans les animaux, soit sauvages ou domestiques, ce sont des pieds qui leur servent à marcher de la même sorte que ceux de derrière, et dans l'homme ce sont des mains destinées non à marcher, mais à faire toutes sortes d'ouvrages. Outre ces deux sortes de parties, il y en a une troisième où, au lieu de pieds ou de mains, il y a des ailes garnies de plusieurs rangs de plumes qui servent à fendre l'air et à voler. Ainsi les différentes espèces ont des parties différentes, qui ont aussi des usages différents. Dieu, pour rendre la structure du corps plus ferme et plus solide, a fait l'épine du dos de plusieurs os, dont les uns sont plus longs et les autres plus courts, et cette épine ressemble en quelque sorte à la quille d'un vaisseau. Il ne l'a pas faite toute d'une pièce, de peur qu'elle n'empêchât le mouvement. Il a étendu et aplati de chaque côté les côtes, qui, se courbant doucement, sont comme une grille qui couvre et qui défend les parties internes, qui sont tout ensemble et les plus délicates et les plus nobles. Au haut de l'épine, que nous avons comparée à la quille d'un vaisseau, il a placé la tête, qui préside et qui commande à tout le corps. Elle a été appelée de la sorte, selon le témoignage de Varron, dans une de ses lettres à Cicéron, à cause qu'elle est le principe des nerfs et du sentiment. Les membres que nous avons dit avoir été destinés à marcher ou à voler ont des os qui ne sont ni trop longs, de peur qu'ils ne pussent se mouvoir aussi promptement qu'il serait nécessaire, ni trop courts, de peur qu'ils ne fussent trop délicats, mais d'une juste grandeur et en petit nombre. Il n'y en a que deux dans les hommes et quatre dans les bêtes. Les os n'ont point été faits massifs, de peur qu'ils ne fussent trop pesants et qu'ils rendissent la démarche trop lente, mais creux, et remplis d'une moelle qui donne de la vigueur à tout le corps. Leur grosseur n'est pas égale dans toute leur étendue. Elle est plus forte aux extrémités qu'aux autres endroits, et ces extrémités sont comme renforcées par les vertèbres, qui se lient aux nerfs et qui rendent le mouvement plus aisé et plus libre. Elles sont couvertes de cartilages qui les empêchent d'être froissées et de sentir de la douleur lorsqu'elles se remuent. Dieu ne les a pas tous faits de la même sorte. Il en a fait quelques-uns tout simples et ronds comme une boule aux jointures où les membres se devaient tourner de tous côtés, par exemple aux épaules; et d'autres ronds d'un côté et plats de l'autre, aux jointures où les membres devaient seulement se courber, comme aux coudes, aux genoux et aux mains. Car, comme il est et bienséant et commode tout ensemble que les bras, en commençant leur mouvement aux épaules, par où ils sont attachés au corps, puissent se mouvoir de tous côtés, ainsi il aurait été et inutile et peu séant qu'ils se fussent mus aussi de tous côtés depuis le coude. La main n'aurait plus eu la dignité et l'agrément qu'elle a maintenant, et aurait ressemblé à une troupe qui dans un éléphant a un usage particulier et tout à fait merveilleux. Dieu, qui a voulu fart éclater la grandeur de sa puissance dans la variété de ses ouvrages, n'ayant pas fait la tête de l'éléphant assez longue pour pouvoir s'abaisser jusques à terre, et l'ayant armée de deux défenses, qui, quand elle s'y serait abaissée, l'auraient empêchée d'y paître, a fait sortir du faut, entre ces deux défenses, une partie d'une substance molle et flexible, par laquelle il peut prendre et retenir quoi que ce soit.
