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Quant à ce que nous lisons encore dans saint Mathieu : « Et il vint demeurer dans une ville appelée Nazareth, afin que cette prédiction des prophètes fût accomplie : « Il sera appelé Nazaréen, » que ces messieurs, qui se vantent d'être les maîtres de la langue et qui traitent tous les autres auteurs avec tant de mépris, nous disent où ils ont lu ce passage. Il faut le leur apprendre : il est tiré du prophète Isaïe, car au lieu que nous lisons, comme je l'ai traduit : « Il sortira un rejeton de la tige de Jessé, et une fleur naîtra de sa racine, » le texte hébreu, suivant l'idiome de la langue, porte : « Il sortira un rejeton de la tige de Jessé ; et un Nazaréen naîtra de sa racine. » Pourquoi les Septante ont-ils omis le mot de Nazaréen » s'il n'est pas permis de rien changer dans une traduction ? C'est un sacrilège d’avoir on supprimé ou ignoré la signification d'un mot qui renferme un si grand mystère.
Poursuivons, car les bornes qu'on doit se prescrite dans une lettre ne me permettent pas de m’arrêter longtemps sur chaque passage en particulier. Saint Mathieu dit encore : « Or tout cela se fit pour accomplir ce que le Seigneur avait dit par le prophète en ces termes : « Une vierge aura dans son sein et elle enfantera un fils que l'on appellera Emmanuël; » ce que les Septante ont traduit de cette sorte : « Une vierge recevra dans son sein et elle enfantera un fils que vous appellerez Emmanuël. » Si l'on veut critiquer jusqu'aux mots, il est certain qu’il y a de la différence entre « aura dans son sein » et « recevra dans son sein, » et entre «on l'appellera » et « vous l'appellerez. » Pour ce qui est du texte hébreu, voici ce qu'il porte : « Une vierge concevra, et elle enfantera un fils, et elle l’appellera Emmanuël. » Ce nom lui sera donné, non point par Achaz, ce prince infidèle dont l’Ecriture condamne l'incrédulité, ni par les Juifs, ce peuple ingrat qui devait renoncer le Seigneur; mais par la vierge même qui l'aura conçu et enfanté.
Nous lisons dans le même évangéliste que, les mages étant venus à Jérusalem, Hérode en fut troublé, et qu'ayant fait assembler les prêtres et les docteurs de la loi, il s'informa d'eux où devait naître le Christ, et qu'ils lui dirent que c’était dans Bethléem de la tribu de Juda, selon ces paroles du prophète: « Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n'es pas la moindre d'entre les principales villes de Juda, car c'est de toi que sortira le chef qui conduira mon peuple d'Israël. » Voici comment ce passage est traduit dans la Vulgate: « Et toi, Bethléem, maison d’Ephrata, tu es trop petite pour tenir quelque rang entre toutes les villes de Juda; mais c'est de toi que sortira celui qui doit régner en Israël. « On s'étonnera encore davantage de la différence qu'il y a entre saint Mathieu et les Septante, soit dans les mots, soit dans leur arrangement, si on compare leur version avec le texte hébreu qui porte: « Et toi, Bethléem , appelée Ephrata, tu es la plus petite entre toutes les villes de Juda; mais de toi sortira celui qui doit commander en Israël. » Examinez toutes les paroles de saint Mathieu les unes après les autres : « Et toi Bethléem, terre de Juda. » Au lieu de «terre de Juda, » il y a dans l’hébreu « Ephrata, » et dans les Septante « maison d'Ephrata. » L’évangéliste dit: « Tu n'es pas la moindre d'entre les principales villes de Juda,» et les Septante portent. « Tu es trop petite pour tenir quelque rang entre toutes les villes de Juda, » et l’hébreu : « Tu es très petite entre toutes les villes de Juda. » Le sens est tout différent ; il n'y a que les Septante et l'hébreu qui s'accordent ensemble dans ce seul passage; car l'évangéliste dit que Bethléem n’est pas la moindre d'entre les principales villes de Juda, et les autres au contraire disent qu’elle est la moindre et la plus petite. Cependant de cette ville si petite et si peu considérable le chef d’Israël sortira, selon ce que dit l’Apôtre : « Dieu a choisi les faibles selon le monde pour confondre les puissants. » Quant à ces paroles qui suivent, «Pour conduire, » ou, « pour nourrir mon peuple d'Israël, » on s'aperçoit aisément qu’elles ne s'accordent point avec celles du prophète.
Je suis entré dans ces détails, non pas pour faire voir que les évangélistes se sont trompés ( car il n’appartient qu’à des impies comme Celse, Porphyre et Julien d'accuser d'erreur ces écrivains sacrés) , mais pour confondre l'ignorance de ceux qui me blâment, et pour leur faire voir qu'il m'est permis d'en user, dans la traduction d'une simple lettre, de la même manière que les apôtres, comme mes censeurs en doivent convenir malgré eux, en ont usé dans les passages qu'ils citent de l’Ecriture sainte.
