4.
Ces Séraphins avaient chacun six ailes, qui, selon Victorin, représentent les douze apôtres. On peut encore les comparer aux douze pierres précieuses. qui composaient le diadème du grand-prêtre, et dont parle le prophète Ezéchiel, et saint Jean dans son Apocalypse. Je ne sais laquelle de ces deux opinions est la véritable ; nous ferons voir dans la suite celle qui a le plus, de vraisemblance. Ils avaient donc chacun six ailes, « deux dont ils voilaient sa face, deux dont ils voilaient ses pieds, et deux dont ils volaient. » Ils voilaient non pas leur face, mais celle de Dieu; car qui peut savoir duel est son commencement, ce qu'il était dans l’éternité avant la création du manicle, et dans quel temps il a créé les Trônes, les Dominations, les Puissances et tous les autres esprits destinés à le servir? Deux autres ailes servaient à voiler non pas leurs pieds, mais les pieds de Dieu; car qui peut connaître quelle est sa fin, ce qui doit arriver après la consommation des siècles, quelle sera la vie des hommes après le dernier jugement, et si, après la destruction du monde, Dieu créera une autre terre et d'autres éléments, un nouveau soleil et un nouveau monde ? «Faites-nous savoir les choses passées, et découvrez-nous ce qui doit arriver à l'avenir, et nous reconnaîtrons que vous êtes Dieu ? » C'est ce que dit le prophète Isaïe, pour nous marquer que personne ne peut dire ce qui s'est fait avant la création du monde ni ce qui doit arriver après son entière destruction. Enfin les deux autres ailes leur servaient à voler. Nous ne connaissons, par la lecture de l’Ecriture sainte, que ce qui s'est passé entre le commencement et la fin de toutes choses, savoir la création du monde. la formation de l'homme, le déluge, la promulgation de la loi, la multiplication du genre humain, et enfin l'incarnation du Fils de Dieu qui s'est fait chair pour sauver tous les hommes. Tout le reste, les Séraphins nous le cachent,en couvrant de leurs ailes la face et les pieds du Seigneur.
« Et ils se criaient l'un à l'autre. » Le prophète dit fort bien « l'un à l'autre; » car tout ce que nous lisons dans l'Ancien-Testament, nous le trouvons dans l'Evangile, et il n'y a rien dans celui-ci qui ne s'appuie sur l'autorité de celui-là; on n'y voit aucune différence, aucune contradiction. « Et ils disaient : « Saint, Saint, Saint est le Seigneur, le Dieu des armées! » Le mystère de la Trinité est marqué dans l'un et dans l'autre Testament. On donne aussi à notre Sauveur le nom de « Dieu des armées,» comme il paraît par le psaume vingt-troisième, où les anges qui servent le Seigneur crient à d'antres esprits célestes, et les avertissent d'ouvrir la porte au Seigneur. « O Princes, » disent-ils, « levez-vous; portes, ouvrez-vous, afin de laisser entrer le roi de gloire. » Sur quoi ceux-ci,étonnés de le voir revêtu d'un corps de chair, demandent qui est ce « roi de gloire; » et les autres leur répondent : «Ce roi de gloire est le Seigneur des vertus ; » ce que l'hébreu exprime par le mot Sabaoth. Car il faut remarquer que, dans tous les endroits où l'on lit, selon la version des Septante, «le Seigneur des vertus,» où le Seigneur tout-puissant, le texte hébreu porte Sabaoth, c'est-à-dire, selon la version d'Aquila : le Seigneur des armées. Il faut remarquer aussi que, dans le passage d'Isaïe que nous expliquons, le nom du Seigneur est écrit avec les quatre lettres qui conviennent proprement à Dieu, c'est-à-dire avec iodhe, iod he, ou deux ia, qui composent le glorieux et ineffable nom de DIEU.
« La terre est toute remplie de sa gloire. » Ces paroles doivent s'entendre de l'avènement du Sauveur, qui a été connu de toutes les nations par le ministère des apôtres, dont la voix s'est fait entendre jusqu'aux extrémités de la terre.
«Le linteau de la porte, continue Isaïe, fut renversé parle retentissement de ce grand cri. Nous lisons dans l'Ancien-Testament que le Seigneur parlait toujours à Moïse et à Aaron à la porte du tabernacle comme s’il ne les eût pas jugés dignes d'entrée dans le Saint des Saints avant l'établissement de l'Evangile; honneur qu'il a fait à l'Eglise, qui dit dans les cantiques : « Le roi m'a fait entrer dans son appartement. » Lors donc que notre Seigneur est venu au monde ce linteau, qui empêchait pour ainsi dire d'entrer dans le Saint des Saints, a été renversé, et tout le inonde a été rempli de fumée, c'est-à-dire de la gloire de Dieu.
