VI.
Philolaüs, de son côté, assurant que tout est renfermé dans le sein de Dieu, comme dans une prison, démontre et son unité, et sa nature immatérielle. Ecoutez comment Lysis et Opsimus définissent Dieu : c'est un nombre incalculable, a dit l'un ; c'est l'excédant du nombre le plus grand sur le nombre qui l'approche de plus près, a dit l'autre. Si donc le plus grand nombre, comme disent les pythagoriciens, est la dizaine, puisque ce nombre contient en lui-même tous les rapports de nombre et d'harmonie, et si en même temps le nombre neuf l'approche de plus près, Dieu est l'unité, c'est-à-dire un; car ce nombre dix surpasse exactement d'une unité celui qui lui est immédiatement inférieur. Je vais aussi exposer le sentiment de Platon et d'Aristote. Toutefois, en rappelant ce qu'ils ont dit sur la Divinité, mon intention n'est point de développer tout leur système; car autant vous surpassez les autres en sagesse et en puissance, autant vous l'emportez sur eux par vos travaux et vos recherches dans tous les genres d'érudition. Et toutes les parties de la science vous sont si familières, que ceux qui n'en cultivent qu'une branche ne la connaissent pas plus à fond que vous ne la connaissez vous-mêmes. Mais comme nous ne pouvons prouver, sans citer les noms, que nous ne sommes pas les seuls à reconnaître l'unité de Dieu, je réunis ici les différentes opinons. Platon dit : « Il est difficile d'arriver à la connaissance du créateur et père de cet univers; et quand on l'a connu, il est presque impossible d'oser en parler publiquement. » Ce philosophe parlait ici du Dieu unique, éternel, incréé; s'il en reconnaît d'autres, comme le soleil, la lune et les étoiles, il les considère comme des êtres créés. C'est ainsi qu'il fait parler Jupiter : « Dieu des dieux que j'ai créés, ils ne peuvent être anéantis sans ma volonté ; car tout ce qui est lié peut être délié. » Si donc Platon ne fut point un athée en reconnaissant un Dieu unique, incréé, créateur de toutes choses, comment pourriez-vous nous condamner comme des athées, nous qui, à l'exemple de Platon, reconnaissons et adorons le Dieu qui a tout fait par son Verbe, et qui maintient et conserva tout par son esprit.
Aristote et ses disciples reconnaissent aussi un seul Dieu mais ils en font une espèce d'animal composé d'un corps et d'une âme : son corps, disent-ils, se compose de la réunion des planètes qui roulent dans l'univers, et son âme est la raison qui préside au corps; immobile elle-même, elle est le principe de tout mouvement. Les stoïciens, bien qu'ils semblent multiplier la Divinité par les différents noms qu'ils lui donnent, à raison du changement que subit la matière dans laquelle, selon eux, l'esprit de Dieu se répand, n'admettent réellement qu'un seul Dieu. En effet, si Dieu est un feu subtil répandu partout, pour tout féconder, et renfermant le principe et la vie de tous les êtres qui naissent au gré du destin; si son esprit parcourt le monde entier, il s'ensuit qu'ils ne reconnaissent réellement qu'un seul Dieu, appelé Jupiter, quand on parle du feu; Junon, quand il s'agit de l'air, et qui prend divers autres noms, selon les différentes parties de matière qu'il pénètre.
