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Cependant, Empédocle menace, frémit : « Haine et amour, rugit-il du fond de l'Etna, voilà les principes de toutes choses. L'une divise, l'autre unit. Leur combinaison produit tout; et je définis l'univers une agglomération d'êtres semblables et différents, illimités et bornés, éternels et créés. » —Bravo, Empédocle ! je me plonge, pour te suivre, dans tes cratères brûlants.
« Arrête ! crie Protagoras en me barrant le passage. Le terme, la règle des choses, c'est l'homme. Or, j'appelle choses ce qui tombe sous les sens. Ce qui ne les affecte pas n'existe en aucune façon dans la nature. »— Ces paroles chatouillent mon orgueil : quel plaisir d'apprendre que tout se rapporte à moi1 !
D'un autre point surgit Thalès : d'un air mystérieux, il me fait signe qu'il m'apporte la vérité. « C'est l'eau qui est le principe de tout. L'humide compose, l'humide est le résidu de la décomposition ; la terre elle-même flotte sur les eaux. » — Et je n'en croirais pas Thalès, Thalès, l'ancien de l’Ionie !
Par malheur, son compatriote Anaximandre me révèle un principe antérieur à l'humide : c'est le mouvement éternel, par qui tout naît ou finit. — Allons ! inclinons-nous devant Anaximandre.
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Qu'y a-t-il de si ridicule à penser que tout est fait pour moi, si je suis le seul qui sache tout rapporter a lui! » Emile, livre IV. ↩
