2.
En prononçant ces paroles et d'autres semblables, en rabaissant celui-ci, pour vanter ceux-là, ils avaient en vue, non de faire l'éloge des apôtres, mais de tromper les Galates, et ils leur conseillaient mal à propos d'observer la loi. Il est donc naturel qu'il ait commencé ainsi. Comme ils détruisaient le prestige de son enseignement, en prétendant qu'il le tenait des hommes, tandis que Pierre tenait le sien du Christ il répond directement dès le début, à cette obligation, en disant qu'il est apôtre, non de la part des hommes, ni par des hommes. Ananias l'avait baptisé (Act. IX, 17), mais ne l'avait pas retiré de l'erreur, ni conduit à la foi c'était Jésus-Christ lui-même qui, du haut du ciel, lui avait adressé miraculeusement la parole et l'avait pris dans ses filets. Quant à Pierre et à son frère, quant à Jean et au frère de Jean, Jésus les avait appelés à lui, en se promenant sur le bord de la mer (Matth. IV); il appela Paul, après qu'il fut remonté aux cieux. Et de même que, sans avoir besoin d'être appelés deux fois, ils laissèrent là leurs filets et tout le reste, et se mirent à le suivre; de même Paul, dès le premier appel, arriva à la perfection apostolique : il se fit baptiser, déclara une guerre sans trêve aux Juifs, et par là, dépassa les autres apôtres : «J'ai pris plus de peine qu'eux » (I Cor. XV, 10), dit-il. Mais en attendant, il n'insiste pas là-dessus, et se contente d'être leur égal. Son but était, non de prouver qu'il leur était supérieur, mais d'ôter tout fondement à l'erreur des Galates.
Ces mots : « Non de la part des hommes », convenaient à tous ceux qui prêchaient l'Evangile, car cette prédication avait son origine et sa racine dans le ciel : ceux-ci « Non par des hommes » convenaient aux seuls apôtres ; car Jésus les avait appelés à lui non par l'intermédiaire d'autres hommes, ruais par lui-même. Pourquoi Paul, au lieu de faire mention de sa vocation et de dire: « Paul appelé non de la part des hommes », a-t-il parlé de sa qualité d'apôtre? Précisément, parce que c'était là-dessus que roulait toute la discussion. On disait que son droit d'enseigner il le tenait des hommes, des apôtres, et qu'il devait suivre leur direction. Or, la preuve qu'il n'avait pas reçu son ministère de la main des hommes, saint Luc la donne, lui qui a dit : « Or, pendant qu'ils s'acquittaient des fonctions de leur ministère devant le Seigneur, et qu'ils jeûnaient, le Saint-Esprit leur dit: Séparez-moi Saül et Barnabé ». (Act. XIII, 2.) Ce qui prouve bien que la puissance du Fils et de l’Esprit n'est qu'une seule et même puissance. Car, après avoir été envoyé pair l'Esprit, il dit qu'il a été envoyé par le Christ. Et il le prouve encore ailleurs, quand il rapporte à l'Esprit ce que Dieu a fait. Car, s'entretenant avec les prêtres de Milet 1 : « Veillez sur vous-mêmes », disait-il , « et sur le troupeau à la tête duquel vous a mis l'Esprit-Saint en qualité de pasteurs et d'évêques ». (Act. XX, 28.) Et cependant il dit dans une autre épître : « Ceux que Dieu a mis dans son Eglise, d'abord comme apôtres, en second lieu comme prophètes, puis comme pasteurs et comme maîtres chargés d'enseigner ». {I Cor. XII, 28.) C'est ainsi que dans son langage il ne fait lias de distinction entre Dieu et le Saint-Esprit, attribuant à l'un ce que l'autre a fait, et réciproquement. D'ailleurs il ferme aussi la bouche aux hérétiques quand il dit « Par Jésus-Christ et Dieu son Père ». Comme ils prétendent que cette expression s'applique au Fils parce qu'elle témoigne d'une dignité inférieure, voyez ce qu'il fait : il s'en sert en parlant du Père, et nous enseigne à ne pas nous établir en législateurs de leur nature ineffable, et à ne pas mesurer la divinité du Père et celle du Fils. Car, après avoir dit: « Par Jésus-Christ », il ajoute : «Et par Dieu son père ». Car, si après avoir fait mention seulement du Père, il avait ajouté ces mots « par lesquels » , peut-être en auraient-ils tiré parti et dit qu'il rapportait ces mots « par lequel » au Père, parce qu'il lui attribuait les oeuvres du Fils. Mais maintenant, en faisant mention en même temps du Père et du Fils, et en se servant de la même expression pour l'un et l'autre, il ne laissé plus de place à une telle interprétation. S'il agit ainsi, ce n'est pas pour attribuer au Père ce qui appartient au Fils, mais c'est pour montrer que cette expression n'admet entre eux aucune distinction de substance.
Que diraient donc à ce propos ceux qui soupçonnent, d'après la formule du baptême : Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, qu'il y a entre eux une certaine gradation descendante? Si le Fils est inférieur au Père parce que son nom vient après celui du Père, que diront-ils en voyant que dans ce passage l'apôtre commence par le Fils pour arriver au Père? Mais ne prononçons point de blasphème. Il ne faut pas que notre ardeur à réfuter ces gens-là nous fasse sortir de la vérité. II faut au contraire, fussent-ils mille et mille fois plus fous, que nous nous enfermions scrupuleusement dans les limites de la piété. De même que nous ne dirons pas, nous, que le Fils est plus grand que le Père, parce que Paul a parlé en premier lieu du Fils (car ce serait le dernier degré de la folie, et le comble de l'impiété), de même il ne faut pas croire que dans cette formule du baptême, le Fils soit inférieur au Père.
« Qui l'a ressuscité d'entre les morts ». Que faites-vous, Paul? Vous voulez ramener des judaïsants à la foi, et vous ne leur montrez rien de grand et d'imposant, comme lorsque vous disiez dans votre épître aux Philippiens que « Ayant la forme et la nature de Dieu, il n'a point cru que ce fût pour lui une usurpation d'être égal à Dieu » (Phil.II, 6), comme lorsque vous vous écriiez en écrivant aux Hébreux : « Il est la splendeur de sa gloire, et le caractère de sa substance » (Hébr. I, 3), comme lorsque le fils. du tonnerre disait tout d'abord à haute voix : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu » (Jean, I, 1), comme lorsque Jésus en personne disait devant les Juifs à plusieurs reprises qu'il pouvait les mêmes choses que son Père, et qu'il avait la même puissance. Vous ne dites rien de cela, vous laissez toutes ces choses de côté pour ne parler que de l'incarnation, de la croix et de la mort du Sauveur? Oui, répond-il. S'il avait à parler devant des hommes qui n'ont pas idée de la grandeur du Christ, il ferait bien de traiter ces points-là; mais puisqu'ils se séparent de nous parce qu'ils ont peur d'être punis s'ils s'écartent de la loi, il fait mention de ce fait, qui suffit à prouver la non-nécessité de la loi, je veux parler du bienfait que nous avons tous reçu de la croix et de la résurrection. Dire que au commencement était le Verbe; et qu'il se trouvait dans la forme de Dieu, en faire l'égal de Dieu, et avancer d'autres choses semblables eût été bon pour démontrer la divinité du Verbe; mais ce n'était pas ce dont alors il s'agissait. Mais en disant que « Le Père l'a ressuscité d'entre les morts ». Paul rappelle le bienfait capital que nous avons reçu du Christ : ce qui ne contribuait pas peu à lui faire atteindre le but qu'il se proposait. Car la plupart des hommes ont coutume de ne pas prêter autant d'attention au langage de ceux qui célèbrent la grandeur de Dieu, qu'au langage de ceux qui montrent les bienfaits que Dieu leur a accordés. Aussi a-t-il négligé tout cela pour ne parler que des bienfaits dont nous avons été l'objet.
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Et Ephèse. (Voyez Act. XX, 17.) ↩
