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Qui, partout où abonde les péchés, on voit surabonder la grâce. (Rom. V, 20.) C'est ce que fait entendre le bienheureux Paul, eh commençant son épître aux Hébreux. Naturellement, les tortures, les persécutions auxquelles ils avaient été en butte de la part des méchants, devaient les rabaisser à leurs propres yeux, au-dessous des autres. Paul leur montre donc que ces persécuteurs mêmes leur ont fait obtenir une grâce surabondante. Au début même de son discours, il éveille l'attention de ses auditeurs, auxquels il dit : « Dieu ayant parlé autrefois à nos pères en divers temps et en diverses manières par les prophètes, nous a enfin parlé, en ces derniers jours, par son propre Fils ».
Pourquoi Paul ne s'est-il pas comparé aux (454) prophètes? II les surpassait de toute la grandeur de sa mission. Mais il n'en fait rien et pourquoi? C'est qu'il ne voulait pas se glorifier; c'est que ses auditeurs n'étaient point parfaits; c'est qu'il voulait les relever davantage à leurs propres yeux, et leur montrer leur supériorité : C’est comme s'il disait : Quelle faveur si grande Dieu a-t-il fait à nos pères, en leur envoyant les prophètes? Il nous a envoyé à nous son Fils unique. Ces belles paroles : « En divers temps et en diverses manières », montrent que les prophètes eux-mêmes n'ont pas vu Dieu, tandis que le Fils de Dieu l'a vu. « J'ai », dit le Très-Haut, « multiplié les visions, et entre les mains des prophètes j'ai pris diverses figures». (Osée, XII, 10.) Nous avons donc sur nos pères deux avantages : Dieu leur a envoyé les prophètes tandis qu'il nous a envoyé son Fils ; les prophètes n'ont pas vu Dieu, et le Fils de Dieu l'a vu. Cette vérité, il ne l'expose pas tout d'abord; il la prouve par ce qui suit, en disant, à propos de l'humanité : « Dieu a-t-il jamais dit à quelqu'un de ses anges : « Tu es mon fils? » et. « Assieds-toi à ma droite (5, 13)?» Voyez ici l'habileté de l'orateur. Il commence par citer les prophètes, pour montrer notre supériorité. Puis, quand il a bien établi ce fait qui doit être tenu pour constant, il déclare que Dieu a parlé à nos pères, par la bouche des prophètes, et à nous, par la bouche de son Fils unique ; et s'il leur a parlé par la. bouche des anges (car les anges aussi se sont entretenus avec les juifs), notre supériorité est encore ici la même. Nous avons eu affaire au maître; ils n'ont eu affaire qu'aux serviteurs. Car les anges, aussi bien que les prophètes, sont les serviteurs de Dieu.
C'est avec raison qu'il dit : « Dans ces derniers temps ». De telles paroles les relèvent et les consolent dans leur accablement. Et ailleurs : « Le Seigneur est proche, soyez sans inquiétude » (Philip. IV, 6) ; puis encore : « Maintenant notre salut est plus proche que, lorsque, nous avons cru ». C'est encore ainsi, qu'il procède en repassage. Que dit-il donc? Il dit que l'athlète qui s'est consumé, qui s'est épuisé dans la lutte, dès qu'il apprend la fin du combat, commence à respirer, envoyant arriver le terme de ses fatigues, et le commencement du repos.
« En ces derniers jours, il nous a parlé en son Fils ».Voici cette parole qui revient. « Par » son Fils, répète-t-il, pour confondre ceux qui veulent que cela s'applique à l'Esprit-Saint. Ici, « en » signifie « par », comme vous voyez. Ces mots, « dans ces derniers temps », ont encore un autre sens. Lequel? Le voici. Il y avait. longtemps que nous devions être châtiés, que les grâces nous avaient abandonnés, que nous avions perdu tout espoir de salut, que nous nous attendions à voir fondre sur nous de toutes parts un déluge de maux. C'est alors que Dieu nous a donné davantage. Mais voyez les précautions oratoires de Paul. Il ne dit pas : Le Christ a parlé, quoique le Christ eut parlé en effet. Mais ses auditeurs étaient faibles d'esprit, et ne pouvaient encore entendre ce qui se rapportait au Christ. Il leur dit donc ; « Il nous a parlé en son Fils ». Que dis-tu là, Paul?. Dieu nous a parlé par son Fils! Oui sans doute.
Mais où donc est la supériorité? Car tu as démontré que l'Ancien et le Nouveau Testament sont d'un seul et même auteur; la supériorité de celui-ci n'est donc pas grande. Voilà pourquoi il poursuit, et il s'explique en ces termes : « Et il nous a parlé en son Fils». Voyez comme Paul se met en cause et sur la même ligné que ses disciples, en disant : Il « nous » a parlé. Pourtant ce n'est pas à lui qu'il a parlé, c'est aux apôtres, et par eux, à beaucoup d'autres. Mais il les relève à leurs propres yeux, et leur montré qu'à eux aussi il leur a parlé. Et en même temps ce sont les juifs qu'il attaque; car presque tous ces hommes; auxquels les prophètes ont parlé, étaient de grands coupables et des monstres. Et ce n'est pas encore d'eux qu'il parle, mais il parle des bienfaits de Dieu à leur égard. Voilà pourquoi il ajoute: « Qu'il a institué son héritier universel ». Il parle ici de la chair: et c'est ainsi que David a dit: « Demande, et je le donnerai les nations pour héritage ». Car ce n'est plus Jacob qui est la part de Dieu ; ce n'est plus seulement Israël qui est son lot, mais l'univers est . à lui. Que veulent dire ces mots : « Qu'il a insti« tué son héritier?» Ces mots veulent dire qu'il l'a fait maître et Seigneur de toutes choses. C'est aussi ce que dit Pierre dans les Actes. « Dieu l’a fait Seigneur et Christ ». (Act. II, 36.) Ce nom « d'héritier,» a deux significations : il désigne le propre Fils, le véritable Fils de Dieu. Il veut dire aussi que son titre de maître ne peut lui être arraché. « Héritier universel », c'est-à-dire du monde entier. Puis il revient à ce qu'il a dit d'abord : Par lequel il a fait aussi les siècles.
