2.
Les rois doivent tenir en grande estime un discours libre et indépendant. L’adulation séduit, mais elle perd; c’est le poison contenu dans une coupe dont les bords sont enduits de miel, et que l’on offre aux condamnés. Ne sais-tu pas1 que l’art du cuisinier, qui provoque en nous, par des mets recherchés et des assaisonnements trop délicats, des appétits factices, nuit à la santé, tandis que la gymnastique et la médecine, au prix de quelques instants de souffrance, fortifient le corps? Pour moi je veux ton salut, quand même, en voulant ton salut, je devrais exciter ton courroux. Le sel, par son amertume, empêche les viandes de se corrompre; des avertissements sincères arrêtent un jeune prince, prompt à s’égarer au gré de ses fantaisies. Ecoutez donc tous avec patience ce discours d’une nouvelle espèce; ne l’accusez point de grossièreté. Laissez la Philosophie s’expliquer; ne la condamnez pas au silence, parce qu’elle ne cherche pas à plaire, et qu’au lieu de flatter les jeunes gens en caressant leurs goûts, elle leur apporte d’austères préceptes et de graves enseignements. Si vous savez supporter sa présence, si les louanges que vous entendez tous les jours n’ont pas entièrement fermé vos oreilles,
Me voici parmi vous.2
