Edition
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De carne Christi
IV
[1] Igitur si neque ut impossibilem neque ut periculosam deo repudias corporationem, superest ut quasi indignam reicias et accuses. ab ipsa quidem exorsus odio habita nativitate perora, age iam spurcitias genitalium in utero elementorum, humoris et sanguinis foeda coagula, carnis ex eodem caeno alendae per novem menses. describe uterum de die in diem insolescentem, gravem, anxium, nec somno tutum, incertum libidinibus fastidii et gulae. invehere iam et in ipsum mulieris enitentis pudorem, vel pro periculo honorandum, vel pro natura religiosum. [2] horres utique et infantem cum suis impedimentis profusum, utique et oblitum. dedignaris quod pannis dirigitur, quod unctionibus formatur, quod blanditiis deridetur. hanc venerationem naturae, Marcion, despuis, et quomodo natus es? odisti nascentem hominem, et misericordiae patientiae, innocentiae omnis? haec quidem stulta non sunt. quaere ergo de quibus dixerit: et si te praesumpseris invenisse, num erit tam stultum quam credere in deum natum, et quidem ex virgine, et quidem carneum, qui per illas naturae contumelias volutatus sit? [7] dicat haec aliquis stulta non esse, et alia sint quae deus in aemulationem elegerit sapientiae saecularis: et tamen apud illam facilius creditur Iuppiter taurus factus aut cycnus, quam vere homo Christus penes Marcionem.
Traduction
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De la chair de Jesus-Christ
IV.
Ne pouvant rejeter la naissance charnelle d'un Dieu, soit parce qu'elle lui serait impossible, soit parce qu'elle mettrait en péril sa nature, il ne te reste plus que de la répudier et de la flétrir comme indigne d'un Dieu. Commençant par l'abjection de la naissance, déclame tant que tu voudras contre la bassesse des principes qui servent à la génération dans le sein maternel, contre ce hideux mélange de sang et d'humeurs; contre cette chair qui doit se nourrir de cette même fange pendant neuf mois. Montre-nous cette grossesse qui augmente de jour en jour, pesante, incommode, troublée jusque pendant le sommeil, pleine d'incertitude par ses désirs ou ses dégoûts. N'épargne pas même la pudeur de la femme qui devient mère, honorable pour les périls qu'elle court, sainte et religieuse par ces fonctions de la nature. Tu as aussi horreur de. cet enfant jeté à terre avec les obstacles qui l'embarrassent, et les humeurs qui le souillent. Ces langes qui le retiennent, ces membres qu'on lave, ces caresses qui te semblent dérisoires, excitent ton dédain. Tu méprises, Marcion, ce respect dû à l'œuvre de la nature si digne cependant de notre vénération. Mais toi, comment es-tu né? Tu hais l'homme qui vient au monde! comment donc peux-tu aimer quelqu'un? Certes, tu ne t'es pas aimé toi-même, quand tu t'es séparé de l'Eglise et de la foi du Christ. Mais à toi de savoir si tu le déplais a toi-même, ou si tu os né autrement.
Il n'en est pas moins vrai que cet homme conçu dans le sein de la femme, formé dans l'abjection, enfanté dans la honte, élevé parmi des caresses dérisoires, Jésus-Christ l'a aimé. C'est pour lui qu'il est descendu; pour lui qu'il a prêché; pour lui qu'il s'est anéanti jusqu'à la; mort et à la mort de la Croix. Et à vrai dire, il l'a |395 tendrement aimé, puisqu'il l'a racheté à un si grand prix! Si le Christ est le Messie du Créateur, il a eu raison d'aimer l'homme, sa créature: s'il vient au nom d'un autre Dieu, il l'a aimé plus encore, puisqu'il a racheté un étranger. En aimant l'homme, il a donc aimé aussi sa naissance et sa chair. Car une chose ne peut être aimée sans ce qui la l'ait ce qu'elle est. Ote la naissance, où est l'homme? Détruis la chair, où est la créature que Dieu a rachetée, puisqu'elle forme l'homme que Dieu a racheté? Quoi! tu veux que le Christ rougisse de ce qu'il a racheté! Tu veux que ce qu'il n'aurait pas racheté s'il ne l'avait aimé, soit indigne de lui! Par une régénération toute céleste, il réforme notre naissance en l'arrachant à la mort; il guérit la chair de toutes ses infirmités; il purifie la lèpre; il rend la vue à l'aveugle; il rend la vigueur au paralytique; il chasse l'esprit malfaisant; il ressuscite les morts; et il rougirait de naître dans cette même chair! S'il eût voulu naître de quelque animal, et qu'il eût prêché dans un corps de cette nature, le royaume de Dieu, ta censure, j'imagine, l'arrêterait par cette fin de non-recevoir: Cela est houleux à Dieu! Cela est indigne du Fils de Dieu et plein d'extravagance! ----Oui, extravagant, parce que tu l'imagines ainsi. Que ce soit une chose extravagante, à ne juger Dieu que d'après notre sens, d'accord. Mais lis, Marcion, si toutefois tu ne l'as point effacé: « Dieu a choisi ce qui est réputé folie aux yeux du monde pour confondre la sagesse. » Qu'entend-il par cette folie? La conversion de l'homme au culte du vrai Dieu? le renoncement à l'erreur? le précepte de la justice, de la chasteté, de la patience, de la miséricorde, de la sainteté? Il n'y a là sans doute rien d'insensé. Cherche donc en quoi consiste cette folie. Et si tu présumes l'avoir découvert, tu reconnaîtras en effet que ce qu'il y a de plus insensé aux yeux du monde, c'est de croire un Dieu fait homme, né d'une Vierge, prenant un corps de chair, et se précipitant, pour ainsi dire, dans tous ces abaissements de |396 notre nature. Qu'on vienne nous dire: Je ne vois point là de folie; il faut chercher ailleurs les choses qu'un Dieu jaloux a choisies pour confondre la sagesse du siècle. Soit. Mais avec elle on admet plus facilement un Jupiter changé en taureau ou en cygne, que, selon Marcion, un Christ fait homme.