CHAPITRE II. RÉFUTATION. — IL FAUT EXPLIQUER LES PAROLES DU SEIGNEUR LES UNES PAR LES AUTRES; DE MÊME, LES TEXTES DE L'APÔTRE.
3. Ils ne s'aperçoivent pas qu'ils s'exposent à une rétorsion; en effet, on pourrait leur dire, avec tout autant de raison, que dans le texte évangélique, le Seigneur usant de paraboles et de comparaisons n'entend parler que de l'aliment et du vêtement spirituels, au sujet desquels il défend l'inquiétude à ses serviteurs, comme il fait dans cet autre texte : « Quand on vous traînera devant les tribunaux, ne pensez pas à ce que vous devrez dire ; car ce que vous devrez dire vous sera donné à l'heure même, puisque ce n'est pas vous qui parlez, mais l'Esprit de votre Père qui parle en vous1 ». La parole de sagesse, en effet, est toute spirituelle, et c'est celle-là qu'il ne veut pas que les fidèles préméditent et dont il promet de les munir, sans qu'ils aient besoin de s'en inquiéter. En revanche, continuerait-on, l'Apôtre discute plus clairement, selon la coutume apostolique; il parle simplement plutôt qu'en termes figurés, comme le prouve la manière habituelle et presque exclusive des épîtres apostoliques; et par suite c'est, à la lettre, du travail manuel et de la nourriture corporelle qu'il a dit : « Celui qui ne veut pas travailler ne doit pas manger ». — Cette rétorsion rendrait douteuse à leurs propres yeux l'opinion de nos adversaires, à moins que n'envisageant tout le contexte de l'Evangile, ils n'y découvrissent quelque parole du Seigneur qui leur servît à prouver que, vraiment, c'est de la nourriture et du vêtement corporels qu'il nous interdit le souci, quand il dit: «Ne soyez donc pas inquiets de ce que vous mangerez, de ce que vous boirez, de ce qu'il faudra pour vous vêtir ». Si par exemple ils réfléchissaient aux paroles qui suivent : « Les païens s'occupent de ces choses », ils auraient la preuve que les avis du Sauveur portaient sur les besoins du corps et du temps. De même si saint Paul s'était contenté de dire: « Qui ne veut pas travailler, ne doit pas manger », on pourrait détourner ce texte de son vrai sens. Mais comme il explique très-clairement, en maints autres endroits de ses épîtres, dans quel sens il entend cette maxime, les adversaires font des efforts superflus pour soulever des nuages à leurs propres yeux et aux yeux des autres ; non-seulement jusqu'à refuser de pratiquer le précepte énoncé par la charité apostolique, mais jusqu'à ne pas vouloir, sur ce point, que la lumière se fasse pour eux ni pour personne, ne redoutant point ce qui est écrit : « Il n'a pas voulu s'instruire pour faire le bien2 ».
