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De l'utilité de la foi
1.
Mon cher Honorat, si l'hérétique et celui qui croit aux hérétiques n'étaient à mes yeux qu'une seule et même chose, je croirais ne devoir ni parler ni écrire sur cette question. Mais grande est entre eux la différence. En effet, l'hérétique est, selon moi, celui qui, en vue de quelque intérêt temporel, et surtout dans un but de gloire et de domination, émet ou suit des opinions fausses et nouvelles; au contraire, celui qui croit aux hérétiques, est un homme trompé par certaines apparences de vérité et de piété. Ce point établi, je n'ai pas cru devoir garder le silence, ni refuser de te dire mon opinion sur la manière de trouver et de garder la vérité; la vérité qui fut dès notre première jeunesse, comme tu le sais, l'objet de notre amour le plus ardent; la vérité bien éloignée des vaines préoccupations des hommes, qui, trop adonnés à cette vie matérielle, s'imaginent qu'il n'existe rien autre chose que ce que les cinq sens, ces messagers ordinaires du corps, leur font connaître, et dont l'esprit est troublé par les impressions et les images qu'ils reçoivent de ces sens, alors même qu'ils cherchent à se dérober à leur influence. C'est cependant avec cette règle funeste et mensongère qu'ils croient mesurer très-fidèlement les impénétrables profondeurs de la vérité. Il est on ne peut plus facile, mon cher ami, non-seulement de dire, mais encore de penser qu'on a trouvé la vérité; mais tu verras par cet écrit, je l'espère, combien en réalité c'est chose difficile. J'ai demandé et je demande à Dieu que ces lignes te profitent, ou du moins qu'elles ne te nuisent pas, à toi et en général à tous ceux entre les mains de qui elles pourront tomber; et j'espère qu'il en sera ainsi, si ma conscience ne me trompe pas, en me disant que j'ai entrepris cet ouvrage dans un esprit de piété et de charité, et non par le désir d'une vaine renommée et d'une frivole ostentation.
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On the Profit of Believing
1.
IF, Honoratus, a heretic, and a man trusting heretics seemed to me one and the same, I should judge it my duty to remain silent both in tongue and pen in this matter. But now, whereas there is a very great difference between these two: forasmuch as he, in my opinion, is an heretic, who, for the sake of some temporal advantage, and chiefly for the sake of his own glory and pre-eminence, either gives birth to, or follows, false and new opinions; but he, who trusts men of this kind, is a man deceived by a certain imagination of truth and piety. This being the case, I have not thought it my duty to be silent towards you, as to my opinions on the finding and retaining of truth: with great love of which, as you know, we have burned from our very earliest youth: but it is a thing far removed from the minds of vain men, who, having too far advanced and fallen into these corporeal things, think that there is nothing else than what they perceive by those five well-known reporters of the body; and what impressions 1 and images they have received from these, they carry over with themselves, even when they essay to withdraw from the senses; and by the deadly and most deceitful rule of these think that they measure most rightly the unspeakable recesses of truth. Nothing is more easy, my dearest friend, than for one not only to say, but also to think, that he hath found out the truth; but how difficult it is in reality, you will perceive, I trust, from this letter of mine. And that this may profit you, or at any rate may in no way harm you, and also all, into whose hands it shall chance to come, I have both prayed, and do pray, unto God; and I hope that it will be so, forasmuch as 2 I am fully conscious that I have undertaken to write it, in a pious and friendly spirit, not as aiming at vain reputation, or trifling display.