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Augustin. Je considère aujourd'hui, comme une erreur, ce que je croyais auparavant la vérité : je désire savoir de vous-même ce que vous en pensez. Avant tout, je regarde comme une erreur de croire que le Dieu tout-puissant, notre unique espérance, soit soumis, dans une partie de sa substance à la souillure ou à la corruptibilité. Or, je sais que c'est là le rôle que vous faites jouer à Dieu dans votre hérésie. Sans doute, vous vous servez d'expressions différentes, car si je vous interroge, vous confessez aussitôt que Dieu est inviolable, incorruptible. Mais à peine entreprenez-vous le développement de vos principes, que vous vous trouvez réduits, par voie de conséquence, à professer qu'il est corruptible, pénétrable, voire même susceptible de souillure. En effet, vous soutenez que je ne sais quelle nation, fille des ténèbres, s'est révoltée contre le règne de Dieu. Voyant les ravages qui allaient fondre sur son empire, s'il n'opposait pas de résistance à cette nation rebelle, le Tout-Puissant envoya cette vertu qui, en se mêlant au mal et à ces filles de ténèbres, donna naissance au monde. Voilà ce qui explique pourquoi ces âmes bonnes sont réduites à l'esclavage, à l'exil et à la corruption. De là aussi pour elles la nécessité d'un libérateur, qui les purifiât de toute erreur, les retirât de tout mélange et les délivrât de la servitude. Eh bien ! je regarde comme un crime, de croire que le Dieu tout-puissant s'est vu dans la nécessité de trembler devant une nation ennemie, ou qu'il a été forcé de nous précipiter dans cet abîme de malheurs.
Fortunat. Je sais que vous avez été des nôtres, que vous avez même tenu une place distinguée parmi les Manichéens, aussi j'avoue facilement que ce sont là les principaux articles de notre foi. Dans cette discussion, il s'agit des crimes que l'on nous attribue faussement. Tous les assistants, animés d'ailleurs des meilleures dispositions, apprendront de vous-même si les crimes dont on nous accuse sont vrais ou faux. Sur votre enseignement, votre exposition et vos preuves, ils pourront se faire une idée plus vraie de notre doctrine et de notre vie, si vous voulez bien la dépeindre. Vous avez pris part vous-même à notre prière.
