4.
Voici le discours que leur tient l'univers ; il est bref, mais d'une accablante vérité : «Les évêques d'Afrique étaient aux prises. S'ils ne pouvaient mettre un terme à leurs dissensions, soit en apaisant, soit en dégradant ceux dont les prétentions étaient mal fondées, pour maintenir en communion avec le reste du monde, par le lien de l'unité, ceux qui avaient pour eux la justice; les évêques d'outre-mer, c'est-à-dire de la portion la plus étendue de l'Eglise catholique, devaient porter un jugement sur les dissensions de leurs collègues, et en cela céder aux instances de ceux qui reprochaient aux autres d'avoir été mal ordonnés ». Si ce jugement n'a pas été prononcé, à qui la faute ? N'est-ce pas à ceux qui devaient s'occuper de cette affaire et point du tout à l'univers, qui ignorait nos démêlés? S'il a été prononcé, peut-on blâmer les juges ecclésiastiques de n'avoir pas condamné des crimes qu'ils ne pouvaient condamner, puisque, bien que réels et déférés à leur tribunal, ils ne leur étaient pourtant point démontrés? On ne leur faisait point connaître les coupables, et il suffisait de leur contact pour les souiller 1 Supposons qu'ils les aient connus, et que par une sorte de lâcheté ou de connivence ils n'aient pas voulu les retrancher de leur communion, et que même, en juges pervers, ils aient prononcé en leur faveur, que pouvez-vous reprocher à l'univers? Savait-il que les juges étaient sans loyauté? Croyait-il qu'ils avaient prononcé un jugement inique? Pouvait-il les juger à son tour? On cite un criminel devant un tribunal, les juges le trouvent innocent; en est-ce assez pour les souiller? Eh bien ! si l'univers a ignoré le crime des juges ecclésiastiques, à supposer qu'ils l'aient commis, est-ce une raison pour que l'univers soit coupable? C'est donc avec l'univers demeuré innocent que nous sommes en communion. D'ailleurs, encore aujourd'hui, savons-nous ce qui s'est passé alors? Et le saurions-nous, apprendrions-nous aujourd'hui même que les accusations dirigées contre quelques-uns des nôtres sont fondées, nous n'y verrions pas un motif de nous séparer des chrétiens innocents, qui ignorent les crimes dont on nous accuse, et de passer du côté de ceux qui tous sont engagés dans le schisme; pourquoi ? pour avoir voulu faire ce qu'ils nous conseillent de faire, pour n'avoir pas consenti à supporter les méchants, comme les supportaient les Apôtres, et pour avoir voulu au contraire abandonner les bons à l'exemple des hérétiques. Or, admettons que l'univers, par impossible, sache avec nous jusqu'à l'évidence que les griefs des Donatistes sont fondés; l'univers en sera-t-il plus innocent ? De leur vivant ces pervers, qu'ils ne connaissaient pas, pouvaient-ils les souiller? Et maintenant qu'ils ne sont plus, comment voulez-vous qu'il suffise de les connaître pour n'être plus innocent? A s'en tenir à ce que nous disons de part et d'autre, aux reproches que nous nous adressons mutuellement, notre cause ne peut être entamée, quand même nos reproches seraient sans fondement, quand même nous viendrions à reconnaître aujourd'hui même la légitimité de leurs griefs contre quelques-uns des nôtres. Je ne vois vraiment pas ce qu'ils peuvent répondre, soit que nous ayons raison et qu'ils aient tort, soit que nous ayons tort ou raison les uns et les autres, puisqu'ils sont vaincus sur un point où ils souhaitent si vivement d'être crus.
