3.
Un magistrat païen, voyant un martyr demeurer ferme et triompher des tourments au milieu des chevalets et des lames de fer sortant de la fournaise, commanda qu'on lui frottât tout le corps de miel, et qu'après lui avoir lié les mains derrière le dos on le mit à la renverse, et qu'on l'exposât ainsi aux plus ardents rayons du soleil, afin que celui qui avait surmonté tant d'autres douleurs cédât à celles que lui feraient sentir les aiguillons d'une infinité de mouches.
Il ordonna que l'on menât un autre qui était en la fleur de son âge dans un jardin très délicieux, et que là, au milieu des lis et des roses, et le long d'un petit ruisseau qui avec un doux murmure serpentait à l'entour de ces fleurs, et où le vent en soufflant agréablement agitait un peu les feuilles des arbres, on le couchât sur un lit, et qu'après l'y avoir attaché doucement avec des rubans de soie pour lui ôter tout moyen d'en sortir, on le laissât seul. Chacun s'étant retiré, il fit venir une fort belle courtisane qui se jetta à son cou avec des embrassements lascifs, et, ce qui est horrible seulement à dire, porta ses mains en des lieux que la pudeur. ne permet pas de nommer, afin qu'après avoir excité en lui le désir d'un plaisir criminel, son impudence victorieuse triomphât de sa chasteté. Ce généreux soldat de Jésus-Christ ne savait en cet état ni que faire ni à quoi se résoudre, car se fût-il laissé vaincre par les délices après avoir résisté à tant de tourments ? Enfin par une inspiration divine il se coupa la langue avec les dents, et en la crachant au visage de cette, effrontée qui le baisait il éteignit, par l'extrême douleur qu'il se fit à lui-même, les sentiments de volupté qui eussent pu s'allumer dans sa chair fragile.
