IV.
Afin d'éviter le reproche de n'avoir pas réfuté tous mes adversaires, j'irai au-devant de chacun des griefs qu'ils nous imputent. Et d'abord, à l'égard du crime d'impiété dont on nous accuse avec tant d'injustice, je dirai que les Athéniens eurent raison de condamner Diagoras comme athée. Non content de divulguer et de révéler à la foule les secrets d'Orphée, les sacrifices de Cérès, d'Eleusis, et les mystères des Cabres, il mutilait encore la statue d'Hercule, pour faire cuire ses légumes, et portait l'audace jusqu'à publier hautement, et devant qui voulait l'entendre, qu'il n'y avait point de Dieu. Peut-on nous appeler des athées, nous qui confessons l'existence d'un Dieu, qui le distinguons de la matière, qui mettons entre l'un et l'autre une si grande différence? ( Car nous disons que Dieu est incréé et éternel, et que l'esprit seul et la raison peuvent le comprendre, tandis que la matière est créée et corruptible. ) Si nous pensions comme Diagoras, sur la Divinité, après toutes les preuves que nous avons sous les yeux des hommages qu'elle mérite à tant et à de si justes titres, témoins l'ordre invariable, l'harmonie constante, la grandeur, la magnificence, la beauté de l'univers, sans doute on aurait droit de nous accuser d'être des athées et de nous punir de mort.
Mais puisque nous reconnaissons un Dieu unique et incréé ( car ce qui est ne commence pas, mais bien ce qui n'est point), un Dieu qui a tout fait par son Verbe, il est absurde de nous calomnier et de nous persécuter.
