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Comment, dites-moi, obtiendrons-nous notre pardon pour les fautes qu'il nous paraît difficile d'éviter, si nous ne faisons pas une petite chose qui a tant d'utilité et de profit, et qui n'exige aucun labeur ? Vous ne pouvez pas mépriser les richesses? Vous ne pouvez pas donner vos biens aux pauvres? Mais du moins ne pouvez-vous pas vouloir faire une bonne action ? Ne pouvez-vous pas pardonner à ceux qui vous ont offensé? Quand vous n'auriez pas tant de dettes à payer et que Dieu vous ferait seulement un précepte du pardon, ne pardonneriez-vous pas ? et maintenant que vous avez tant de comptes à rendre, vous ne pardonnerez pas, et cela, lorsque vous savez qu'on vous demande raison des fautes que vous avez commises vous-même ! Je suppose que nous allions chez notre débiteur; celui-ci, le sachant, nous entoure de soins, nous reçoit, nous rend des honneurs et nous montre par sa libéralité les dispositions les plus bienveillantes : et cela, ce n'est pas lorsqu'il est débarrassé de sa dette, s'il agit ainsi, c'est pour nous rendre modérés dans nos réclamations : vous cependant, lorsque vous devez tant à Dieu et qu'on vous ordonne de remettre aux autres leurs péchés, pour que les vôtres vous soient remis, vous ne les remettez pas ! Pourquoi donc, je vous prie?
Hélas ! quelle bonté Dieu a pour nous ! mais nous, quelle n'est pas notre malice ! notre sommeil ! notre paresse ! Combien la vertu est facile, et combien elle nous est avantageuse ! Combien la malice coûte de fatigues ! nous cependant, nous fuyons une chose si légère pour en suivre une qui est plus lourde que le plomb. Il n'est pas besoin pour être vertueux d'avoir de la santé, des richesses, de l'argent, de la puissance, des amis, ni rien de semblable, mais il suffit de vouloir, et c'est tout. Quelqu'un vous a-t-il couvert d'injures et d'opprobres? Pensez que vous-même vous avez beaucoup de pareilles offenses à vous reprocher envers les autres, même envers Dieu, et ainsi remettez-lui sa faute et pardonnez-lui; pensez que vous dites : « Remettez-nous nos dettes comme nous les remettons à nos débiteurs ». (Matth. VI, 13.) Pensez que si vous ne les (441) remettez pas, vous ne pouvez pas prononcer ces mots avec confiance; mais si vous les remettez, c'est une action dont vous pourrez demander qu'on vous tienne compte comme d'une dette que Dieu a envers vous, non qu'elle soit telle par sa nature, mais c'est la bonté de celui à qui nous devons tant, qui l'a rendue telle. Est-ce là de l'égalité? Comment? celui qui remet leurs dettes a ses compagnons d'esclavage obtiendra la rémission des péchés qu'il a commis envers le Seigneur ! Oui, nous jouissons d'une telle bonté, car il est riche en miséricorde et en pitié.
Mais pour vous montrer qu'en dehors même de ces considérations, en dehors de cette rémission de vos fautes, par cela seul que vous remettez aux autres leurs péchés, vous retirez vous-même de là un grand profit, voyez combien celui qui agit ainsi a d'amis et comment son éloge est dans toutes les bouches. Ne dit-on pas : C'est un honnête homme, facile à apaiser, qui n'a pas la mémoire des injures et qui est aussi vite guéri que blessé? Qu'un tel homme vienne à tomber dans quelque malheur, qui n'aura pitié de lui ? qui ne lui pardonnera ses fautes? qui ne l'exaucera, lorsqu'il demandera une faveur pour autrui? qui ne vaudra être l'ami ou le serviteur d'un homme si bon? Ah ! je vous prie, agissons ainsi en toutes choses pour cette raison, non-seulement envers nos amis et nos parents, mais même envers nos esclaves : car, dit l'apôtre : « Modérez vos menaces, sachant que le Seigneur et d'eux et de vous est au ciel ». (Ephés. VI, 9.) Si nous remettons au prochain ses offenses, les nôtres nous seront remises aussi; elles nous seront remises, si nous faisons l'aumône, si nous sommes humbles, car c'est ainsi encore que nous nous délivrons de nos péchés. En effet, si un publicain, pour avoir dit seulement : Soyez-moi propice, moi qui suis pécheur » (Luc, XVIII, 13), s'est retiré justifié, combien plus facilement n'obtiendrons-nous pas une grande bienveillance, si nous sommes humbles et contrits? Confessons nos péchés, condamnons-nous nous-mêmes et nous effacerons urne grande partie de nos souillures . car il y a beaucoup de voies pour se purifier. Combattons donc partout le diable. Je n'ai rien dit qui fût difficile, qui fût pénible à faire. Pardonnez à celui qui vous a offensés, ayez pitié des pauvres, humiliez votre âme, et quand vous seriez de grands pécheurs, vous pourrez avoir v«re part du royaume éternel, en vous purgeant ainsi de vos fautes, en effaçant ainsi vos taches. Puissions-nous tous, lavés ici-bas de toutes les souillures de nos péchés par le moyen de la confession, obtenir là-haut les biens promis en Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui partage avec le Père; la gloire, la puissance, etc.
