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De Testimonio Animae
IV.
[1] Iam nunc quod ad necessariorem sententiam tuam spectet, quantum et ad ipsum statum tuum tendit, adfirmamus te manere post uitae dispunctionem et expectare diem iudicii proque meritis aut cruciatui destinari aut refrigerio, utroque sempiterno; quibus sustinendis necessario tibi substantiam pristinam eiusdemque hominis materiam et memoriam reuersuram, quod et nihil mali ac boni sentire possis sine carnis passionalis facultate, et nulla ratio sit iudicii sine ipsius exhibitione qui meruit iudicii passionem. [2] Ea opinio Christiana etsi honestior multo Pythagorica quae te non in bestias transfert, etsi plenior Platonica, quae tibi etiam dotem corporis reddit, etsi Epicurea grauior, quae te ab interitu defendit, tamen propter suum nomen soli uanitati et stupori et, ut dicitur, praesumptioni deputatur. [3] Sed non erubescimus si tecum erit nostra praesumptio. Primo enim, cum alicuius defuncti recordaris, misellum uocas eum, non utique ut de bono uitae ereptum, sed ut poenae et iudicio iam adscriptum. [4] Ceterum alias "securos" uocas defunctos. Profiteris et uitae incommodum et mortis beneficium. Vocas porro securos, si quando extra portam cum obsoniis et matteis tibi potius parentans ad busta recedis aut a bustis dilutior redis. [5] At ego sobriam tuam sententiam exigo. Misellos uocas mortuos, cum de tuo loqueris, cum ab eis longe es. Nam in conuiuio eorum quasi praesentibus et conrecumbentibus sortem suam exprobrare non possis. Debes adulari propter quos laetius uiuis. Misellum ergo uocas qui nihil sentit? Quid, quod ut sentienti maledicis, cuius memoriam cum alicuius offensae morsu facis? Terram grauem inprecaris et cineri penes inferos tormentum. Aeque ex bona parte cui gratiam debes, ossibus et cineribus eius refrigerium comprecaris et ut "bene requiescat" apud inferos cupis. [6] Si nihil passionis est tibi post mortem, si nulla sensus perseuerantia, si denique nihil es ipsa ubi corpus reliquisti, cur mentiris in te, quasi aliquid ultra pati possis? Immo cur in totum times mortem, si nihil est tibi timendum post mortem, quia nec experiundum post mortem. [7] Nam etsi dici potest ideo mortem timeri non ut ultra quid minantem, sed ut commodum uitae amputantem, atquin cum et incommoda longe plura uitae pariter excedas, lucratione grauioris partis metum diluis nec iam timenda est amissio bonorum, quae altero bono id est incommodorum pace pensatur. Non est timendum quod nos liberat ab omni timendo. [8] Si times uita decedere, quia optimam nosti, certe mortem timere non debes, quam malam nescis. At cum times, scis malam. Non scires autem malam, quam nec timeres, si non scires aliquid esse post mortem quod eam malam faciat, ut timeas. [9] Omittamus nunc naturalem formam timendi mortem. Nemo timeat quod euadere non potest. Ex altera parte congredior laetioris spei post mortem. Nam omnibus fere ingenita est famae post mortem cupido. Longum est retexere Curtios et Regulos uel Graecos uiros, quorum innumerabilia elogia sunt contemptae mortis propter postumam famam. [10] Quis non hodie memoriae post mortem frequentandae ita studet ut uel litteraturae operibus uel simplici laude morum uel ipsorum sepulcrorum ambitione nomen suum seruet? Unde animae hodie affectare aliquid quod uelit post mortem et tantopere praeparare quae sit usura post obitum? Nihil utique de postero curaret, si nihil de postero sciret. [11] Sed forsitan de sensu post excessum tui certior sis quam de resurrectione quandoque, cuius nos praesumptores denotamur. Atquin hoc quoque ab anima praedicatur. Nam si de aliquo iam pridem defuncto tanquam de uiuo quis requirat, prae manu occurrit dicere, "Abiit iam et reuerti debet".
Traduction
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Témoignage de l'âme
IV.
Maintenant, abordant un principe d'une plus haute conséquence et qui intéresse tes destinées, nous affirmons que tu subsistes après ta séparation d'avec le corps, et que tu attends le jour du jugement, destinée, d'après tes mérites, à un supplice ou à un rafraîchissement, l'un et l'autre |122 sans fin. Pour éprouver l'un ou l'autre, il faut que tu reprennes la substance primitive, les éléments du même homme et sa mémoire, parce que tu ne peux sentir ni bien ni mal loin de cette chair douée de sensations, et que le jugement demeure incomplet, sans la représentation de celui qui a mérité l'application du jugement. Cette croyance chrétienne, plus honorable que celle de Pythagore, puisqu'elle ne te transforme point en bête; plus large que celle de Platon, puisqu'elle te restitue la dot du corps; plus consolante que celle d'Epicure, puisqu'elle te protège contre la destruction, est accusée néanmoins, rien qu'à cause de son nom, de frivolité, de folie, et, comme on dit, de présomption. Mais pourquoi en rougirions-nous, si notre présomption, c'est la tienne?
D'abord, quand tu parles de quelque mort, tu le plains, non d'avoir été arraché aux douceurs de la vie, mais d'être déjà en possession du jugement et de la punition. Il est bien vrai que d'autres fois tu proclames la félicité de la tombe. Tu avoues et que la vie est un fardeau et que la mort est un bienfait. Mais à quel moment trouves-tu les morts si heureux? Au moment où célébrant plutôt tes propres funérailles, tu accompagnes le défunt au-delà de la porte et jusqu'au bûcher, pour te gorger de viandes; ou bien quand tu reviens du bûcher, chargée de libations. Toutefois j'en appelle à ta pensée à jeun. Abandonnée à tes inspirations, et loin des morts, tu plains leur malheur. Mais à table, en face de ses défunts qui s'asseyent, pour ainsi dire, au même banquet que toi, tu ne saurais leur reprocher leur sort: il faut bien que tu flattes ceux qui t'engraissent. Il ne sent rien, dis-tu? Pourquoi donc l'appelles-tu malheureux? Pourquoi donc maudis-tu la mémoire de ce mort, avec l'intention de l'insulter comme s'il était sensible? Pourquoi souhaites-tu que la terre lui soit pesante? Pourquoi appelles-tu les tortures sur sa cendre dans les enfers? D'un autre côté, s'agit-il d'un bienfaiteur auquel tu dois de la reconnaissance? Tu |123 souhaites à ses os et à ses cendres le rafraîchissement, et tu désires qu'il repose en paix dans les enfers. Si, après la mort, il n'y a plus pour toi ni sensibilité, ni mouvement, en un mot, si tu n'es rien toi-même, aussitôt que tu as abandonné le corps, pourquoi te mettre en contradiction avec tes propres actes, comme si tu pouvais quelque chose au-delà du tombeau? Que dis-je? Pourquoi trembles-tu de tous tes membres à l'approche de la mort, si tu n'as rien à redouter après elle, puisqu'elle ne peut amener aucune redoutable expérience?
Tu peux me répondre, je le sais, que tu crains la mort, non pour les menaces qu'elle apporte, mais à cause des biens dont elle te dépouille. Cependant les douleurs de la vie l'emportant de beaucoup sur ses plaisirs, la crainte de la mort disparaît devant un gain meilleur. On ne doit point craindre la perte des biens qui est compensée par un autre bien, je veux dire par la cessation de toutes les misères. Pourquoi craindre un événement qui nous affranchit de toute crainte? Si tu crains de sortir de la vie parce que tu l'as trouvée bonne, au moins tu ne dois pas redouter la mort, puisque tu ne la crois pas mauvaise. Tu la crains néanmoins: donc tu sais bien qu'elle est un mal. D'où le saurais-tu? où aurais-tu appris à la redouter, si tu ne savais qu'il existe après la mort quelque chose qui en fait un mal et t'en inspire l'effroi?
Ne parlons plus de ces pressentiments et de ces terreurs naturelles. Que personne ne craigne une catastrophe inévitable! J'arrive maintenant à une autre considération, à celle d'une espérance plus heureuse après la mort. Presque tous les hommes ont le désir inné de se survivre dans la mémoire de leurs semblables. Il serait trop long de citer ici les Curtius, les Régulus, et les héros de la Grèce, qui ont acheté les louanges de la postérité en bravant la mort pour recueillir une renommée posthume. De nos jours encore, qui ne s'efforce de se survivre à lui-même et d'assurer l'immortalité à son nom, soit par des |124 oeuvres littéraires, soit par la pureté de ses moeurs, soit enfin par la pompe de sa sépulture? D'où vient à l'âme ce laborieux désir d'être quelque chose après la mort Pourquoi tant d'efforts dont elle ne recueillera le fruit qu'après le trépas? S'agiterait-elle si péniblement pour l'avenir, si elle n'avait aucun pressentiment de l'avenir?
Mais peut-être la certitude qu'il reste quelque sentiment après la mort est-elle plus puissante chez toi que la résurrection à venir, qui soulève tant d'injures contre nous; non, la résurrection est encore le cri de l'âme. Que l'on te demande des nouvelles d'un homme mort depuis longtemps, comme s'il vivait encore, aussitôt tu réponds: « Il est en voyage, mais il doit revenir. »